Commentaire sur le premier Livre des Rois. Tome III (III, 38 - IV, 78), éd. A. de Vogüé
Grégoire le Grand, (Pierre de Cava)Histoire de la pensée - Recenseur : Albert Chapelle s.j.
La section commentée (1 R 4,1- 9,2) est relativement brève et va des désastres de la guerre d'Israël avec les Philistins à la désignation de Saül lors de la judicature de Samuel. Le commentaire datant effectivement du XIIe siècle a toutes les caractéristiques d'une élaboration érudite et ingénieuse, même si elle demeure pétrie de sève biblique et de saveur patristique. La lettre de l'histoire contient bien des sens cachés qui ne se dévoilent que dans le temps de l'Église (I, p. 15): le sens spirituel développé dans la IVe section est d'abord typologique (III,38-72). Dans les Israélites vaincus par les Philistins, l'A. voit la figure des Juifs incrédules du Nouveau Testament tandis que l'Arche prise par les Philistins signifie l'Ancienne Loi «tombée aux mains des Païens pécheurs, mais convertis du paganisme et passés du littéralisme juif à l'interprétation spirituelle de l'Église» (p. 13). Ce long texte (p. 35-119), parfois intolérable, mérite la méditation du théologien soucieux de ne rien laisser se perdre de la tradition ancienne alors même qu'elle se trouve aujourd'hui renouvelée par le mystère d'Israël. L'interprétation morale ou ecclésiologique des chemins de la perfection apparaîtra plus habituelle.
La section suivante (IV,1-78) présente trois exégèses successives du même texte (1 R 8,1 - 9,2). D'abord littérale (au sens dit), «l'interprétation devient ensuite spirituelle et elle se dédouble… en un sens négatif (IV,15-38): le «droit du roi» y devient une allégorie des méfaits causés par les mauvais prélats de l'Église et un sens positif (IV,39-78): les qualités du roi y sont considérées globalement comme une image du chef de l'Église éminent. Le commentaire laisse une grande place aux réalités ecclésiales du temps, sacerdoce et administration des sacrements, vie monastique et contemplative. L'introduction parle encore de S. Grégoire et de son «secrétaire», l'abbé de Ravenne, même si A. de Vogüé s'étonne de voir citer au VIe siècle la règle bénédictine (p. 24). Le Christ et l'Esprit ne sont guère nommés (cf. IV,54,3) dans la section IV: la source de l'exégèse spirituelle reste ainsi comme en aval de ce discours abondant, polémique, souvent convenu.
Peut-on s'étonner de voir traduire Unus solus par «un seul homme» (61,1)? - A. Chapelle, S.J.