L'ample enquête pluridisciplinaire réalisée par les deux auteurs
(le premier, docteur en théologie, le second, docteur en médecine)
s'est adjoint d'autres compétences : neurophysiologie,
psychologie, sociologie, ethnologie et philosophie. Deux choix ont
guidé la recherche : la circonscrire au modèle social
français et étudier comment il s'autodétruit (dans les
pays industrialisés et globalement démocratiques et d'économie
néolibérale), et opter pour la thèse émise dans Le contrat
de défiance (M. Marzano, Paris, Grasset, 2010).
Celle-ci se situe dans le contexte de l'amitié et de l'amour mais
se déplace dans d'autres environnements - Adam Smith évoqué à
propos de La richesse des nations (1776), ou
encore la construction de l'Europe et l'Église
post-Vatican ii. On voit que « le processus
réductionniste qui inaugure la dictature d'une certaine confiance
en soi sur la confiance dans les autres » (p. 13) semble se
répandre comme une gangrène du « vivre ensemble ». Il
s'agirait donc d'une « dialectique confiance/méfiance »
que l'on espère voir « se dépasser vers des synthèses
nouvelles ». C'est ici qu'intervient le couplage annoncé de la
neuroscience et de la théologie (déjà exploré par l'A.
dans Christianisme et neurosciences, Paris, Odile
Jacob, 2008), en quête d'une compréhension « holistique »
de l'être humain hors du dualisme « corps matériel/âme
spirituelle ». Le recours à une réflexion philosophique n'est
pas naïve quand elle souhaite « une thérapie de confiance pour
un monde malade de défiance ». Il faudra différencier, aux
niveaux de l'anthropologie philosophique et de la psychologie
des relations humaines, les structures différenciées du
rapport nuancé de la « fiance »
(« dé-fiance »/« mé-fiance »). Est-ce un
« cercle dialectique » ? Homologie, analogie,
ressemblance de structure par rapport à ce que la Révélation
biblique et la réflexion théologique nous invitent à croire de la
« confiance en Dieu » ? Le livre contient
4 chap. dont le dernier, sur la conception théologique de la
Foi-confiance, introduit un paragraphe fondamental interrogeant la
Foi face à la mort et au mal. L'entreprise est d'envergure et
chaque chap. soulève des questions spécifiques au niveau de
l'épistémologie des sciences rencontrées où la
« dialectique » confiance/défiance se pose de façon
particulière. On lira avec beaucoup d'intérêt ce livre très
documenté. On sera invité à entendre les disciplines sur leur
terrain propre. Le point délicat, et il l'est de plus en plus, est
celui du rapport entre le cerveau neurologique et la pensée, les
émotions, l'appréhension des réalités de l'esprit. Nous avons donc
un livre important et problématique qui expose sans doute la grande
souffrance de notre postmodernité : son déficit omniprésent de
confiance, non seulement en l'autre mais encore en soi-même et ce
qui la fonde en sa Source profonde. On acceptera volontiers, avec
la prudence nécessaire, que la « confiance » comme
« disposition existentielle totalisante » traverse toutes
les sphères de notre humanité situant la personne tout entière et
une dans les diverses relations au sein de la communauté humaine et
dans l'Alliance divine. - J. Burton s.j.