Professeur de droit dans quatre Universités allemandes successives
et longtemps juge au tribunal constitutionnel allemand, le
catholique qu'est B.E.W. nous livre ici sa pensée sur la religion
et la politique. Loin de toute idéologie, il place la discussion
sur son vrai terrain, la cohabitation pacifique entre citoyens dans
la liberté et la justice. Il étudie particulièrement 4 domaines. I.
Liberté, conscience autorité. L'état moderne est l'aboutissement
d'un processus de sécularisation où le pouvoir politique s'est
rendu indépendant du pouvoir religieux. La liberté de religion et
de conscience y a joué un rôle central. La déclaration sur la
liberté religieuse faite à Vatican II représente un tournant
copernicien dans la position de l'Église: on est passé des droits
de la seule vérité au droit de la personne humaine. Contrairement
aux déclarations antérieures, le christianisme se comprend comme
«la religion de la liberté» et l'Église admet que la liberté de
conscience est «un droit naturel». Dès lors, l'Église accepte que
le droit naturel peut changer ou du moins son interprétation par le
magistère ecclésiastique. Il suit que l'infaillibilité pontificale
se limite aux déclarations officielles faites ex cathedra et
n'inclut pas les encycliques et l'enseignement ordinaire des papes.
Si, sur un point, le magistère et le sensus fidelium s'affrontent,
le magistère devrait prendre cette opposition au sérieux et revoir
ses positions (on pense ici à l'encyclique Humanae vitae à propos
de la pilule). Le magistère ne devrait pas être source d'ordres, de
commandements, mais un dynamisme d'autorité-confiance, sans
soumission aveugle, mais respectueux du jugement des personnes. En
dehors des rares déclarations infaillibles, le magistère doit
favoriser la conscience critique des fidèles. Hélas! Le Droit canon
(752) a de nouveau exigé «un assentiment religieux de
l'intelligence et de la volonté» au magistère papal et épiscopal en
matière de foi et de morale. On nie ainsi tout espace à l'exercice
de la raison autonome qui seule peut aider l'autorité religieuse à
revoir ses positions, comme ce fut le cas pour la liberté
religieuse. II. L'Église et l'État moderne. L'Église a aidé à
désacraliser le pouvoir et à proclamer la dignité infinie de la
personne humaine, mais elle a freiné la liberté religieuse et la
propriété individuelle. L'A. distingue État neutre et État laïc.
L'Église peut aider indirectement l'État en prônant l'obéissance,
la solidarité, le sacrifice. III. Éthique, droit naturel et
justice. La démocratie a besoin d'une éthique démocratique qui
accepte les principes de la démocratie: liberté, égalité,
acceptation de la majorité, défense de la démocratie. Il faut
arriver à éviter le drame de la dictature nazie qui a eu accès
démocratiquement au pouvoir. L'A. met au point quelques idées sur
le droit naturel chrétien. Il précise qu'il n'est pas question de
rejeter le droit naturel, mais affirme que celui-ci est toujours à
redécouvrir et à réinterpréter selon les circonstances
changeantes.
IV. Le problème de la théologie politique. Le message chrétien
n'est pas politique. Il est l'annonce du salut, sans moyens
politiques pour le faire accepter. Mais tout discours théologique a
des effets politiques puisque la politique intervient dans presque
tous les domaines de la vie humaine. L'Église allemande aurait-elle
dû proclamer la désobéissance face à certains ordres nazis? Elle
n'a jamais voulu répondre à cette question. Que penser des
théologies de la libération? L'A. précise sa pensée à ce propos
ainsi qu'au regard d'autres problèmes qui ont secoué l'Église.Ce
résumé donne une idée sur les richesses de ce livre et la pensée
forte, structurée, équilibrée de l'A. On souhaiterait trouver
d'autres juristes de cette trempe pour équilibrer la pensée des
théologiens et des canonistes en vue du plus grand bien de
l'Église. - B. Clarot sj