David. Der Herrscher mit der Harfe

W. Dietrich
Écriture Sainte - Recenseur : Jean-Louis Ska s.j.
La collection de large divulgation où paraît ce volume est sans doute peu connue du public de langue française. Elle compte déjà quinze ouvrages dont le dernier est consacré à Jésus de Nazareth. Celui que nous présentons dans ces colonnes sort de la plume de W. Dietrich, professeur ordinaire d'Ancien Testament à la faculté de Berne. Il écrit pour le moment le commentaire sur les livres de Samuel dans la collection Biblischer Kommentar. C'est dire qu'il est à même de parler de David. Le volume compte trois grandes parties. La première est consacrée aux sources, c.-à-d. essentiellement les textes bibliques auxquels il faut ajouter la stèle de Dan découverte en 1993. Cette partie pourra paraître plus difficile au lecteur peu habitué aux arcanes de l'exégèse historico-critique. Toutefois, l'exposition est claire et l'argumentation suffisamment développée pour que chacun puisse suivre le raisonnement. Les renvois bibliographiques permettront au spécialiste de vérifier le bien-fondé des hypothèses avancées. W. passe en revue 1 et 2 S, 1 R 1-2, les textes prophétiques, les Chroniques et les Psaumes, sans oublier le Siracide et le Nouveau Testament.
Il abandonne l'hypothèse d'une histoire de l'accession de David au trône (A. Weiser, J.H. Grønbaeck) ou de la succession de David (L. Rost) pour parler plutôt d'une ancienne «chronique de la cour» (Höfisches Erzählwerk) qui aurait été écrit durant la période qui sépare la destruction de Samarie (722 av. J.-C.) et celle de Jérusalem (586 av. J.-C.), et plutôt au début de cette période, c.-à-d. lorsque Jérusalem devient la capitale de «tout Israël» et trouve dans l'histoire de David une justification des ses prétentions. L'auteur de cette chronique s'est servi de documents plus anciens, p.ex. les listes de 1 S 30,27-31; 2 S 3,2-5; 5,13-16; 8,16-18; 20,23-26; quelques récits isolés tels que le combat contre Goliath, l'histoire de David et Abigaïl, celle de David et Bethsabée, les récits où David épargne Saül, l'histoire de Ammon et Tamar…; enfin quelques cycles tels que l'histoire de Saül et de ses descendants, celle de David bandit des grands chemins, celle de Bethsabée et Salomon, ou celle de l'arche d'alliance. Son oeuvre a été complétée, entre autres par la prophétie de Nathan (2 S 7), le jugement de Nathan (2 S 12), les derniers chapitres de 2 S (2 S 21-24) et le dernier discours de David (1 R 2,1-10). Un tableau récapitulatif aurait peut-être utile en conclusion de cette partie. La seconde partie est plus ardue sans doute puisqu'elle est consacrée à l'histoire. Contrairement à certains exégètes qui aujourd'hui tendent à minimiser, voire à nier toute historicité au personnage biblique de David, W. Dietrich est plus optimiste. Fidèle en cela à l'exégèse de langue allemande, il se fonde davantage sur les textes que sur l'archéologie pour chercher à reconstruire le David historique. Lorsque les indices manquent, il adopte le point de vue de K. Kitchen: «the absence of evidence is not the evidence of absence» (p. 123). Le tableau des p. 125-129 résume utilement son opinion au sujet des textes qu'il classe en quatre catégories selon leur plus ou moins grande précision historique. Sans entrer dans le détail de la discussion, fort intéressante par ailleurs, notons en passant que notre A. pense bien, avec les textes bibliques, que David a étendu son royaume jusqu'en Galilée alors que d'autres, sur la base des fouilles archéologiques, sont d'un tout autre avis (p. 161). En résumé, les récits bibliques sur David correspondent dans leurs grandes lignes à ce que l'historien peut dire au sujet de ce personnage, mis à part quelques épisodes, entre autres l'onction de David par Samuel (1 S 16) ou l'oracle de Nathan (2 S 7).
La troisième partie est celle qui intéressera sans doute davantage le lecteur francophone. Il s'agit d'une enquête très instructive sur l'image de David dans la Bible et dans l'art. L'ouvrage est enrichi à cet effet d'une cinquantaine de reproductions, certaines plus connues et d'autres beaucoup moins. Cette partie est subdivisée selon les grands aspects de sa personnalité: David et le pouvoir; l'homme David; David l'artiste et le musicien; David devant Dieu. L'A. puise dans la littérature, la musique, la peinture et la sculpture pour illustrer les diverses facettes de cette fascinante personnalité biblique et sa postérité dans notre culture. Cette partie contient aussi une série d'interprétations fort intéressantes des textes bibliques. L'A. montre entre autres comment Ambroise de Milan utilise la figure de David pour convaincre l'empereur Théodose à faire pénitence publique. Il cite deux émouvants poèmes d'Abélard qui s'inspirent des élégies de David pour Saul et Jonathan (2 S 1,19-27) et pour Abner (2 S 3,33-34) (p. 303-306) ou encore une interprétation intéressante du David de Michel-Ange.
À propos d'Abisag, il me semble que le récit a un sens quelque peu différent de ce que l'A. propose, c.-à-d. l'image d'un homme désormais très affaibli. Il cite à ce propos un poème de Rilke d'une rare sensibilité. Mais dans le monde antique, un roi impuissant était aussi incapable de régner… C'est bien pourquoi Adonias organise immédiatement la succession (post hoc, propter hoc: 1 R 1,5 et 1,6-10). La situation de Moïse, de ce point de vue, est toute différente (Dt 34,7). Le volume se termine par quelques pages sur l'histoire de la réception de la figure de David (Wirkungsgeschichte), en particulier la figure du «nouveau David» (David redivivus) dans l'histoire politique et religieuse de l'Occident, et cela jusqu'en Éthiopie, une bibliographie et un seul index (malheureusement?), celui des illustrations. Il s'agit d'une petite somme sur la figure de David et d'un petit joyau en son genre. - J.-L. Ska sj

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