El Dios que da que pensar. Acceso filosófico-antropológico a la divinidad

M. Cabada Castro
Quel beau manuel de philosophie théologique que celui-ci! L'A., qui écrivit entre autres un ouvrage profond sur Gustav Siewerth (traduit en français par Em. Tourpe: L'être et Dieu chez Gustav Siewerth, Louvain, Peeters, 1997), n'entend pas proposer ici des «preuves» de l'existence de Dieu, encore que les textes classiques en sont évidemment analysés; il déploie plutôt, conformément à la mentalité contemporaine, l'expérience humaine qui pointe en direction de l'idée de «divinité». D'ailleurs cette idée est largement plus traditionnelle que celle de «preuve», comme en témoignent les penseurs appelés avec compétence et dextérité tout au long de l'ouvrage, depuis Parménide jusqu'à Rahner en passant entre autres par Augustin, Thomas, Nicolas de Cuse, Descartes, Kant, Hegel, Feuerbach, Schopenhauer, Nietzsche, Heidegger.
Nos temps contemporains occultent la question de Dieu, alors même qu'ils maltraitent la question de l'homme, pourtant prétendue centrale. Mais la question de Dieu est aussi celle de l'expérience humaine en sa totalité (ch. I). Toutes les affirmations de la philosophie théologique sont conditionnées par ce lien. Suivant son étymologie qui court depuis les latins jusqu'à Zubiri, le mot «religion» signifie en effet la relation en laquelle Dieu et l'homme s'allient (ch. II). La réflexion philosophique peut donc, et doit, ouvrir son chemin vers la question de Dieu. Pour l'A. qui se situe dans la tradition transcendantale allemande, l'homme est spirituellement ouvert à la «totalité» (ch. III). Toutefois, comment articuler la tension vers la totalité et l'entente respectueuse de l'altérité divine? Les voies cosmologiques (ch. IV) ne suffisent pas pour nous faire entendre «Dieu» droitement. L'expression ex nihilo nous protège d'ailleurs de la prétention à aller du fini à l'infini sans passer par les médiations nécessaires de l'esprit.
Le long chapitre V développe la question qu'est l'homme pour lui-même. L'homme porte une question qui le transporte plus loin que soi. Du point de vue épistémologique, la totalité ne peut pas être immédiatement l'absolu dont l'homme porte la question, car cet absolu est à la fois non-relatif, inaccessible, illimité, infini, «tous caractères qui appartiennent proprement à la divinité» (p. 144) mais non à la totalité. Du point de vue de la quête du bonheur, si intrinsèque à l'humanité, l'homme expérimente de même un désir qui le conduit au delà de lui-même. Ici aussi, nous devons affronter une sorte de contradiction; Blondel en avait déjà parlé fin du siècle passé. Et que serait la voix de la conscience sans l'écoute de l'altérité? En chacun de ces domaines (épistémologique, éthique, moral), un «autre» est à reconnaître. Toutefois, comment vivre cette altérité? Et que peut signifier l'exigence d'un sens, si celui-ci se trouve toujours plus loin? Supposons donc que la vie soit absurde. Mais l'absurde ne peut pas être un principe puisqu'il exige un sens pour avoir lui-même du mordant. L'argumentation est imparable. Elle permet d'élargir les étroitesses de la philosophie analytique, laquelle risque de proposer «un vide dangereux que pourra occuper n'importe quel genre d'idéologie» (p. 236). Le sens surgit d'un appel à la liberté plus que d'une structure du langage. Il y a dans la liberté une présence divine attirante. Que serait en effet la liberté sans le bien «par lequel l'homme se sent inévitablement attiré» (p. 286)? La liberté est amour. La pensée contemporaine y reconnaît en outre une passivité fondamentale, aussi originaire que son activité.
Le ch. VI réfléchit ensuite sur la relation de la finitude et de l'«infinitude». Grâce au christianisme, l'idée d'infini cesse d'être indéterminée. Elle reçoit le signe de la perfection et rend possible la conscience humaine de la finitude. Le problème est cependant de savoir si l'infini parfait peut être dit «Dieu». L'enquête historico-spéculative atteste que la «divinité» est perçue comme la «condition de possibilité voilée mais toujours présente d'une activité animatrice au coeur de l'esprit humain» (p. 404). L'esprit subit l'attrait d'une perfection supérieure. On peut cependant se demander s'il n'y a pas là une projection illusoire. Ce serait l'idée de Feuerbach. Mais l'attrait spirituel est aussi l'indice d'un au-delà en lequel l'esprit s'introduit en acceptant d'entrer dans la nuit. Cette dernière hypothèse se situe en fait au coeur de l'«argument ontologique». Si à partir de Dieu tout est dans la lumière divine, l'homme qui part de soi doit plutôt assumer la docte ignorance dont parlait Nicolas de Cuse.
Deux chapitres terminent ce très beau parcours. Aucune théodicée ne dénoue la douleur (ch. VII), mais seulement le respect pour le mystère de Dieu et de la souffrance. Enfin, l'athéisme est rendu difficile (ch. VIII) dès qu'on s'attache vraiment au mystère de l'homme. - P. Gilbert, S.J.

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