Il en résulte chaque fois une mise en question de la Subjectivité par les oeuvres du Féminin. Pas de définition par ailleurs de la Femme ni du Féminin: entre l'homme et la femme, ni unité préalable ou commune (dans quelque Neutre primordial), ni dualité de deux instances définissables et opposables (ce qui nous ramènerait encore à l'unité); dualité sexuelle et sexuée mais non dualité des sexes, l'instance du féminin n'étant pas l'apanage des femmes mais investissant tout aussi bien le sujet viril - pour le dénucléer. Dénucléation qui est en même temps sa féminisation sous les espèces de la maternité sacrificielle de l'otage. Voilà pour le sujet caractérisé comme viril dans les premières oeuvres. En résulte aussi pour les femmes (dans l'«extroduction») un refus d'être confinées à une définition et un rôle prédéterminés et, positivement, un combat - distinct du féminisme vulgaire - pour la novation, l'ouverture de la culture à une altérité toujours inconnue.
Ouvrage clair, solide, précis; enquête exhaustive des occurrences du féminin; mise en relation avec les autres philosophies susmentionnées: ce livre constituera un ouvrage de référence. Resterait à comprendre, même si le féminin n'est plus, à travers la féminisation du Sujet, le privilège des femmes, comment l'instance du féminin - et de la maternité - trouve son ancrage, malgré tout, dans la femme ou les femmes singulières. Comment expliquer que les femmes - y compris dans leur différence anatomique (secondarisée, il est vrai, par l'A., mais est-ce si légitime?) - demeurent l'analogon premier de toutes les différences qui exposent le Sujet à la dénucléation? À moins de souscrire à la coupure (trop) convenue entre la nature et la culture - ce à quoi se refuse l'A. (à bon droit selon nous).
On remarquera l'option (discrète mais précise) pour une interprétation non théiste de l'oeuvre de Levinas: l'Immémorial et l'Illéité ne sont pas ceux de la création par Dieu mais l'instance (dépourvue de Nom) qui ouvre à la déconstruction du Sujet et à son avenir dans les chemins toujours neufs et inconnus de l'altération. L'A. tient aussi, à la suite de Levinas, à ne pas confondre la provocation éthique que constitue l'oeuvre de ce dernier avec la proposition «banale» d'une «morale» trop communément normative. Option et insistance qui nous reconduisent peut-être, et Levinas dans la foulée (mais sans doute s'y prête-t-il plus qu'on le pense du côté de ses lecteurs chrétiens), à une interprétation païenne (retour à Heidegger?) de l'Illéité et de l' Immémorial - «Et combien de dieux nouveaux», encore? -, rançon, selon nous, de ses interprétations non théistes. Ou destin inéluctable de tout judaïsme post-chrétien? - P. Favraux, S.J.