Voici un livre plein d’oxygène théologal. En 1985, le jeune Angelo Scola, théologien et futur patriarche de Venise et Cardinal, s’entretient avec deux théologiens reconnus, Henri de Lubac et Hans Urs von Balthasar. Le concile Vatican ii est terminé : ses effets commencent à se faire sentir. La réflexion continue et les commentaires fleurissent encore. Les questions sont distillées avec soin aux deux théologiens ; le dialogue est à la fois sincère, profond et plein d’espérance. Les contrastes de personnalité et les accentuations du Suisse et du Français apparaissent. Leur histoire n’est pas la même, à part leur appartenance à un moment donné à la Compagnie de Jésus ! Le travail de Balthasar est à ce moment sans équivalent : il est en pleine force intellectuelle et son œuvre a pris du relief dans plusieurs pays. De Lubac sort d’une période longue de silence, et par le Concile, il obtient reconnaissance et étude de ses écrits, de leurs richesses et de leurs enjeux. Son influence en théologie devient incontournable. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient.

Il n’est pas facile de rendre compte de ces dialogues, mais avouons que la juxtaposition de ces deux figures avec le même interlocuteur appartient déjà à l’originalité du livre. « Ce volume donne à lire la restitution inédite et complète de ce dialogue d’une hauteur telle que l’époque n’en connaît plus guère, tant il allie science et élégance, rigueur et liberté, profondeur et simplicité. » Ce qui intéressera le lecteur, consiste principalement dans les appréciations par chaque A. de l’événement conciliaire et dans leur synthèse vivante de thématiques variées : le rapport au monde (Lumen gentium), les Lumières et le judaïsme, la théologie de la libération, l’existence d’une culture chrétienne, le complexe anti-romain. L’avis synthétique du Père de Lubac sur quelques Constitutions conciliaires est instructif et interpellant. Certains remous conciliaires sont mis en exergue et passent au crible d’une intelligence critique. La question du surnaturel n’est pas absente non plus de ses considérations conciliaires. Les contradictions de la modernité, du sécularisme et de la gnose éclaireront les lecteurs d’aujourd’hui. Chez de Lubac, on apprendra pas mal de faits qui permettent de meilleurs jugements sur le mythe de « Fourvière », et les personnes rencontrées dont Jean-Paul ii et Joseph Ratzinger.

Ce livre répondra à une attente, surtout pour ceux qui n’ont pas connu ou peu étudié le concile Vatican ii. Une telle relecture s’appuie et fait honneur non pas seulement à l’intelligence, mais à la mémoire vive des théologiens. Ignace accordait beaucoup d’importance dans ses exercices spirituels à la mémoire. Le fruit spirituel de la lecture de ces dialogues est certainement un amour de l’Église. Les interviews du futur recteur de l’Université du Latran et archevêque de Milan donnent du relief au travail de mémoire des auteurs. Les annotations de Jean-Robert Armogathe précisent et cadrent avec sobriété les feux du langage exploré dans les dialogues. Cette réédition et traduction est une belle réussite. — A. Mattheeuws s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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