Eugène, cardinal Tisserant, 1884-1972. Une biographie

Étienne Fouilloux
Biographies - Recenseur : Bernard Joassart s.j.
Disons-le d'entrée de jeu: un beau livre, comme on aime en découvrir.Tisserant fut considéré comme un rustre par les uns, comme un Mazarin machiavélique par les autres. Même si le personnage fut haut en couleurs, doté d'un tempérament pas toujours commode et fort peu romain, mais droit, l'A. en donne une biographie toute en nuances et loin d'être tributaire de ces deux visions trop légendaires, ayant pu, avec sa compétence habituelle, profiter d'archives scrutées de manière systématique pour la première fois. Les dates de l'existence de Tisserant l'attestent: il a traversé presque un siècle d'histoire générale comme d'histoire de l'Église, marquées par bien des changements. Lorrain d'origine, né à une époque où la revanche était si attendue du côté de l'Hexagone, sans que lui-même ait jamais fait preuve d'un nationalisme exacerbé, il a, pourrait-on dire, tout connu. Enfant prodige, passionné de mathématiques qu'il aurait aimé enseigner, il fut pourtant dirigé vers l'orientalisme. Et authentique savant il fut. Principalement au service de la Bibliothèque Vaticane dans un premier temps, dont il finit par devenir une figure majeure en particulier grâce à ses talents d'organisation et plus encore par sa capacité à moderniser l'institution selon les critères anglo-saxons (plus tard, il sera cardinal Archiviste et bibliothécaire de la Sainte-Église): il savait ce qu'était le travail de recherche et quelle intendance ce travail requérait. Vivement apprécié de Pie XI, le voilà créé cardinal en 1936 (il sera sacré évêque l'année suivante) et placé à la tête de la Congrégation orientale en tant que Secrétaire jusqu'en 1959; il s'y montra partisan d'une politique respectueuse des traits propres aux communautés ecclésiales de sa juridiction. Au fil des années, les charges vont s'accumuler: doyen du Sacré-Collège et Préfet de la Cérémoniale (1951), Bibliothécaire et Archiviste de la Sainte-Église (1957), Camerlingue (1958), Grand-Maître de l'Ordre de Malte (1960), évêque de Porto et Santa Rufina dont il s'occupa activement (il ne fut pas qu'un haut fonctionnaire de la Curie mais aussi un prêtre, fort imprégné de la spiritualité de François de Sales), membre du conseil de présidence de Vatican II, sans oublier son élection à l'Académie française (1961). Ce furent là autant de postes qui le mirent sur le devant de la scène, sans pour autant faire de lui l'un des plus puissants personnages du gouvernement central de l'Église (il ne fut d'ailleurs pas toujours bien en cour auprès des successeurs de Pie XI et n'était pas directement associé aux grandes décisions de l'Église), et qui lui permirent de voir et d'apprécier les grands courants de son temps (fascisme, nazisme, antisémitisme, révolution nationale, décolonisation, etc., qui n'entraient pas dans ses catégories). Un de ses succès majeurs: la présidence de la Commission biblique à partir de 1938. Tisserant n'avait guère été tourmenté par le modernisme au cours de ses études le préparant à l'ordination sacerdotale; il retrouva le phénomène ou du moins ses suites, d'ailleurs non négligeables, à la tête de cette commission et joua un rôle majeur dans le processus d'ouverture sous le pontificat de Pie XII, qui devait voir principalement la publication de Divino afflante Spiritu (1943).S'il fut foncièrement partisan de l'aggiornamento mis en branle par Vatican II, il éprouva quelque amertume lorsqu'il dut appliquer à lui-même le retrait imposé par le même concile aux titulaires de certaines charges en raison de l'âge. Le lecteur sera sans doute étonné de ne pas trouver une de ces bibliographies traditionnelles autant qu'interminables et désespérantes; qu'il se rassure: les notes suffisent amplement à montrer que le travail est solidement documenté. Le seul regret que je me permettrais de formuler est de n'avoir pas suffisamment présenté bon nombre de personnages qui interviennent tout au long du récit: la rédaction de brèves notices biographiques est certes fastidieuse, mais elle me semble souvent profitable. Mais qu'est ce regret en regard d'un livre qui fait découvrir un grand homme savamment replacé dans son époque? - B. Joassart sj

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