Henri de Lubac, t. IV. Concile et après-Concile (1960-1991)
Georges Chantraine Marie-Gabrielle LemaireBiographies - Recenseur : Alban Massie s.j.
Le défi était pourtant grand, la période étudiée étant celle des bouleversements conciliaires et des années qui suivirent, dont H. de L. fut l'acteur qu'on sait. Période de production gigantesque aussi, en dehors de ses travaux au Concile sur les trois grandes Constitutions, avec notamment Exégèse médiévale, ses écrits sur Teilhard de Chardin, Paradoxe et mystère de l'Église, Athéisme et sens de l'homme,Le mystère du Surnaturel, Augustinisme et théologie moderne, La foi chrétienne, Pic de la Mirandole, La postérité spirituelle de Joachim de Flore… Chaque oeuvre est ici présentée et analysée rigoureusement, de sa genèse à sa réception, au long des 8 chap. qui suivent un ordre chronologique (pouvant être aussi thématique, comme les chap. 4, sur Teilhard, et 7, sur l'immanentisme historique). On va ainsi de la publication d'Exégèse médiévale (à partir de 1959) jusqu'au cardinalat (1983) et la mort (1991).
Se dessine alors un portrait unifié et cohérent du théologien, au-delà des critiques qui voulurent transformer l'auteur d'avant-garde en observateur aigri et constamment désolé d'une Église conciliaire dont il n'aurait pas apprécié l'évolution. Certes, il s'est élevé contre une « liquidation de la théologie » dans les années 70 (il écrit à un jésuite théologien : « Tenez bon ! »), discernant notamment l'importance de la crise identitaire du ministère sacerdotal (p. 505-507). L'ouvrage fait ainsi mieux connaître l'homme qui avait subi auparavant les injustices de la mise à l'écart intellectuelle et théologique (ce sera l'objet du t. 3) : il plaida contre « la trahison du Concile » (p. 413, sur les progressismes, mais aussi p. 591, sur la crise lefebvriste) ; cultiva de fécondes amitiés, entre autres avec Balthasar, Jean xxiii, Paul vi, Wojtyła ; participa à la création de la revueCommunio après la déception de Concilium ; s'abandonna à la nuit dans la maladie et voulut « jusqu'au bout, vivre et mourir dans la communion de tous » (note écrite en 1986, p. 715). Maurice Zundel, lui ayant rendu visite en 1990, écrira : « la signature de Dieu, c'est l'oubli de soi » (p. 732).
Ouvrage important, désormais essentiel au chercheur bien sûr, mais qui nourrit aussi le lecteur de ce sens de l'Église dont le jésuite ne voulut jamais se départir, convaincu que, comme l'écrivent les auteurs, « il y a dans l'engagement théologique quelque chose d'impersonnel, parce qu'au fond il ne s'agit pas de soi-même, mais du Christ et de l'Église » (p. 724). - A. Massie s.j.