Ce recueil d’articles, s’il prolonge la réflexion élaborée par l’A. dans divers ouvrages, fournit également une porte d’entrée claire et accessible à sa pensée. Sans détailler chacune des études, recueillons-en les principes communs.

Cavanaugh adopte une approche fonctionnelle de la religion, attentive à l’effectivité des idées et pratiques sur la vie du croyant. Un tel regard permet de reconnaître la dimension religieuse du monde contemporain. Parmi d’autres domaines possibles (p. ex. la science), les textes de l’ouvrage se concentrent sur l’État (notamment le phénomène du nationalisme) et le Marché (production et consommation). Weber et Marx avaient déjà signalé la persistance du sacré dans le monde moderne, mais on gagne à mobiliser la catégorie biblique de l’idole pour analyser ces phénomènes – ce que n’avait pas réellement perçu Gaudium et spes mais que le pape François réalise en dénonçant l’idolâtrie économique.

Le texte d’Ac 17 est cité plusieurs fois : saint Paul critique les athéniens mais exprime en même temps une forme de sympathie car leur culte, certes idolâtre, révèle la dimension religieuse de l’homme. L’attitude chrétienne est ainsi un discernement – étonnamment, le mot n’est pas présent dans l’ouvrage, mais c’est bien ce dont il s’agit. La mission de l’Église n’est donc pas de bâtir des chapelles identitaires, ce qui serait aussi une forme d’idolâtrie, mais de former des communautés où l’on adore le Dieu véritable. Alors sera donné à voir le salut réalisé en Jésus-Christ : son amour universel embrassant tous les hommes.

Implicitement, la pensée développée par l’A. se veut une alternative à « l’option bénédictine » de Rob Dreher. Elle semble en connivence avec l’ecclésiologie eucharistique augustinienne : l’évêque d’Hippone est cité ponctuellement, mais un dialogue plus exhaustif serait possible. Mentionnons encore l’analyse de l’habitus de foi (p. 58-61), vertu infuse par grâce mais également acquise par les pratiques de la vie ecclésiale : car les vertus sont des dons que nous recevons les uns par les autres. — M. Bernard