Jésus selon Matthieu. Héritages et rupture
Colette Deremble Jean-Paul DerembleÉcriture Sainte - Recenseur : Véronique Fabre
Cet ouvrage nous propose une lecture de l'évangile selon saint Matthieu, provenant d'un couple de chercheurs souhaitant transmettre à tous le fruit de leur travail. Leurs compétences croisées en littérature, théologie et histoire des sociétés leur permettent de prendre en compte les milieux culturels du bassin méditerranéen au temps de l'écriture des Évangiles. Leur approche est historique, avec des principes de lecture bien clairs : se tenir à l'évangile de Matthieu choisi en raison de son importance pour l'élaboration de la pensée chrétienne ; lire cet évangile en entier et de manière suivie, et non pas à partir de clefs d'interprétation élaborées par l'Église au cours des siècles ; rester aussi près que possible de l'époque dans laquelle Matthieu rédige tout en tenant compte de ses références aussi bien juives que gréco-romaines. Ainsi la lecture se déroule au fil de l'évangile, chaque passage matthéen donnant lieu à une traduction propre aux auteurs, avec une typographie fort précieuse : le texte commun à Mc et Mt en gras, et le texte commun à Lc et Mt en gras souligné. Le commentaire, clair et sobre, n'hésite pas à faire ressortir les sources matthéennes. La conclusion de l'ouvrage, intitulée « l'obscure clarté de la foi », revient sur la contribution de Matthieu à l'élaboration du christianisme et répond à la question : où se loge donc la spécificité chrétienne ? avec une reprise synthétique : « le décisif aimez vos ennemis, que l'on ne trouve qu'en Matthieu, crée la rupture au sein de ces héritages [Ancien Testament, sagesse stoïcienne, religion zoroastrienne, bouddhisme]. Il s'agit d'aimer l'ennemi, non pour assurer l'équilibre de la société, mais parce qu'en l'autre, quel qu'il soit, on reconnaît la présence de Dieu » (p. 411). Un commentaire éclairant, mais il conviendrait de repenser l'articulation entre judaïsme et christianisme, à l'aide par exemple de la réflexion du p. Antoine Guggenheim dans son article de la NRT 139 (2017), p. 403 : « Accomplissement et nouveauté forment un meilleur binôme que continuité et rupture pour décrire, après la Shoah, le dynamisme biblique à l'intérieur des Écritures juives, comme entre les deux parties des Écritures chrétiennes ». - V. Fabre