Jésus thérapeute. Quels rapports entre ses miracles et la médecine antique ?

Christine Prieto
Écriture Sainte - Recenseur : Jean Radermakers s.j.
Paul appelle Luc « ce cher médecin » (Col 4,14), et le même Luc cite un proverbe repris par Jésus dans la synagogue de Nazareth : « Médecin, guéris-toi toi-même » (Lc 4,23). Jésus était-il thérapeute à la manière des guérisseurs de son temps ? Et Luc laisserait-il transparaître quelque chose de sa « profession » dans les récits de miracles de Jésus ? Questions qui demandent réflexion. Christine Prieto, une théologienne, animatrice biblique dans l'Église protestante unie de France s'y est attelée, et elle en a tiré une thèse doctorale absolument magistrale, dont nous tenons ici « l'abrégé » dans ce gros vol. de plus de 600 p. d'une richesse et d'une précision admirables. On comprend qu'elle ait reçu pour ce labeur le prix Paul Chapuis-Secrétan de l'Univ. de Lausanne (2013).
Après une introd. sur les origines et la méthode de la recherche, l'A. présente une étude abondamment documentée sur les « pratiques de la médecine dans l'antiquité », tant mésopotamienne qu'égyptienne, de même que chez les Grecs et les Romains puis dans le judaïsme (p. 17-82). Suite à ce préalable obligé, elle se met à analyser de près toutes les péricopes de l'évangile de Luc où il est question de l'activité thaumaturgique de Jésus : dans la synagogue de Nazareth (Lc 4,14-30 ; p. 83-129) ; les guérisons à Capharnaüm (Lc 4,31-41 ; p. 131-171) ; le lépreux et le paralysé (Lc 5,12-32 ; p. 173-222) ; la main sèche (Lc 6,6-11 ; p. 223-239) ; le fils du centurion et l'enfant de Naïn (Lc 7,1-23 ; p. 241-284) ; le démoniaque, la fille de Jaïre et la femme en perte de sang (Lc 8,26-56 ; p. 285-347) ; l'enfant possédé (Lc 9,37-43 ; p. 349-381) ; un exorcisme avec l'origine du pouvoir de Jésus (Lc 11,14-23 ; p. 383-425) ; la transmission de ce pouvoir (Lc 9-10 ; p. 427-459) ; la femme courbée et l'hydropique (Lc 13,10-17 et 14,1-6 ; p. 461-503) ; les dix lépreux (Lc 17,11-19 ; p. 505-519) ; l'aveugle de Jéricho (Lc 18,35-43 ; p. 521-536) ; l'oreille tranchée (Lc 22,47-53 ; p. 537-547). Chacun de ces épisodes narratifs est analysé pour lui-même avec une acribie attentive au moindre détail et dans une discussion remarquablement nuancée avec les commentateurs, compte tenu évidemment du 1er chap. sur les influences possibles des différentes pratiques. Finalement, l'A. développe un chap. conclusif sur « les pratiques thérapeutiques de Jésus dans l'évangile de Luc » (p. 549-595). Avec une préoccupation constante de justesse et de précision, le tout est repris synthétiquement de manière passionnante. Ce qui frappe le plus tout au long de l'examen approfondi de ces textes, c'est la lucidité de l'A., soucieuse de rendre compte des mentalités à l'époque de Jésus et du regard exercé de Luc, fort différent de celui des autres évangélistes. Bien sûr, elle ne pouvait éviter quelques redites, mais elle maintient le cap de sa recherche avec vigueur et décision. La bibliographie choisie avec soin comporte une trentaine de pages.
On aura compris que ce précieux ouvrage devra désormais accompagner tous les commentateurs de Luc, non seulement en raison de sa riche information, mais aussi parce qu'il nous fait pénétrer dans les mentalités auxquelles Jésus s'adapte avec circonspection et qu'il nous aide à exercer notre regard critique de lecteurs du xxie s. On ne saurait trop le recommander pour son ampleur et sa probité. - J. Radermakers s.j.

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