Joe Biden, un catholique face à l’Amérique

Massimo Faggioli
Histoire - Recenseur : Jason Trepanier

Il s’agit de la première traduction en français d’un livre de Massimo Faggioli, auteur prolixe d’origine italienne et professeur d’histoire du catholicisme à l’Université de Villanova (à Philadelphie). L’historien s’intéresse ici à l’accession à la présidence américaine de Joe Biden, qui aurait pu être le symbole du nouveau positionnement des catholiques dans la vie politique outre-Atlantique. D’ailleurs, Biden n’hésite pas à mettre en avant ses convictions chrétiennes et assume publiquement sa piété, dans une société où il n’y a pas d’étanchéité entre politique et religion. Or, l’élection de 2020 renvoie à une réalité très différente.

L’ouvrage porte sur cette élection en tant qu’événement qui non seulement cristallise des fractures au sein du catholicisme américain, mais révèle aussi les tensions provoquées au sein de l’Église catholique en Occident par le « style » du pape François et ses prises de position.

L’A. commence par rappeler l’intégration progressive des catholiques dans la vie politique américaine et les questions que cela a suscitées, avant d’évoquer l’arrière-fond historique qui précède l’élection du second président catholique de l’histoire des États-Unis après J.F. Kennedy. Le chapitre suivant présente les alignements et les divergences entre la Maison blanche et le Vatican sur les questions politiques et géopolitiques depuis les années 1950 jusqu’au pontificat actuel. Sur cette période, le catholicisme a connu une « normalisation » au sein de la vie politique américaine, au point que les électeurs catholiques – autrefois très majoritairement démocrates – ne se distinguent plus des non-catholiques. L’A. analyse ensuite la radicalisation depuis les années 2000 d’un catholicisme conservateur, devenu « néo-traditionaliste » et hostile au pape actuel. Ce courant va jusqu’à remettre en cause autant la vision de l’Église et du monde de Vatican ii que la légitimité même du modèle démocratique et libéral. De ce point de vue, les prises de position épiscopales sur le refus de l’eucharistie à certains hommes politiques de gauche, de même que ce qu’on appelle les « guerres culturelles », ou encore les questions liturgiques, ne sont que le symptôme d’un clivage plus profond. Un chapitre conclusif, et prospectif, se penche sur les défis auxquels est confronté le catholicisme conciliaire dans une Église marquée par des crises (la déchristianisation, les abus) et par de nouvelles synthèses politiques et culturelles qui la déstabilisent : le souci écologique, les questions de genre, etc.

L’une des questions qui frappent le lecteur est de savoir dans quelle mesure les clivages tant théologiques qu’idéologiques apparus dans le catholicisme américain préfigurent l’évolution de l’Église ailleurs dans le monde. Le lecteur européen ne peut pas ignorer cette hypothèse. Certes, les histoires des Églises nationales sont singulières, mais des tendances communes se dessinent : perte de crédibilité des institutions, désaffiliation ecclésiale, focalisation sur les questions de morale, influence croissante des réseaux sociaux sur la conscience des fidèles. Cela invite à se demander quelle sera, à l’avenir, la contribution de l’Église catholique au vivre-ensemble de nos sociétés, et comment se manifesteront sur la place publique l’unité – ou la division ? – et l’engagement des catholiques eux-mêmes. — J. Trepanier

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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