Connaissez-vous Joseph Malègue ? Si ce n’est pas le cas, il est assez urgent de le découvrir. Et pas seulement parce que le pape François l’a mis il y a quelques années au goût du jour, en soulignant qu’il était parmi ses écrivains de prédilection. Joseph Malègue (1876-1940) est l’un des grands romanciers catholiques français de l’entre-deux guerres. Victime d’un injuste oubli, il est grand temps de le redécouvrir, ce à quoi s’attache ce présent ouvrage collectif (le premier du genre), alors que le roman Augustin ou Le Maître est là a été unanimement salué par la critique en 1933 et que les écrits de Malègue (y compris l’inachevé Pierres noires. Les Classes moyennes du Salut, édition posthume 1958) ont fasciné des générations de lecteurs. On ne saurait minimiser la richesse d’une œuvre littéraire qui souffre la comparaison avec celles de Mauriac ou Bernanos. Les deux universitaires José Fontaine et Bernard Gendrel, responsables de cet ouvrage, ont réuni des littéraires, des historiens, des philosophes, des théologiens de France, d’Italie, de Belgique, de Pologne et du Canada pour cerner la spécificité du cas Malègue. Outre une large approche historique qui situe Malègue dans son contexte culturel, des approches stylistiques et plus encore théologiques et philosophiques permettent de comprendre les enjeux d’une œuvre sensible et complexe. On y découvre l’influence de Blaise Pascal, mais surtout de Bergson et de Blondel. Mais il serait erroné de croire que les romans de Malègue sont des « romans à thèse ». Les personnages et les situations sont campés avec profondeur et finesse et certains contributeurs insistent sur une lecture poétique possible de l’œuvre de Malègue, et aussi surtout mystique. Cet ouvrage qui peut constituer une initiation utile est très agréable à lire, d’autant qu’il comporte un inédit, une pièce en cinq actes : Les Ogres ou Les Samsons aveugles, qui permettra de saisir aussi chez Malègue l’acuité d’un regard sociologique et historique dont la pertinence étonne encore. — M.-J. Coutagne