L’Augustin de François de Sales, préf. P. Vallin

Thomas Gueydier
Histoire - Recenseur : Alban Massie s.j.

Cette thèse soutenue en 2019 en lettres modernes à l’Université de Tours (France) renouvelle tout autant la connaissance de la doctrine de François de Sales que l’histoire de la réception d’Augustin. L’époque fin xvie-début xviie est passionnante : catholiques comme réformés, humanistes comme ecclésiastiques se réclament d’Augustin pour justifier ou la rupture ou la continuité (titre du premier chap. de la 2e partie) avec la tradition ecclésiale et théologique, notamment scolastique (elle-même partie prenante dans l’accueil de l’Hipponate par François de Sales).

Thomas Gueydier dirige l'Institut de formation théologique de Rennes et est directeur des études au Séminaire Saint-Yves où il enseigne la théologie. Il a donc choisi un sujet d’ampleur et montre avec brio, par son examen de l’utilisation par le docteur de l’amour des textes du docteur de la grâce (spécialement La Cité de Dieu et les commentaires scripturaires, mais aussi les textes à tonalité philosophiques), que l’Augustin de François de Sales est un Augustin « digéré » (p. 189). François ne se présente pas comme augustinien, mais va tâcher de citer son maître pour bâtir des ponts avec ses correspondants, polémiques ou non.

Préfacée par Philippe Vallin qui en fait l’éloge, cette recherche est divisée en 3 parties : 1) face aux réformés ; 2) face aux humanistes ;3) face aux mystiques.

Il est très heureux que dans le contexte polémique de ce temps comme de l’époque d’Augustin, l’A. évoque d’emblée la rabies theologica contre laquelle François de Sales doit lui aussi lutter, sans doute avec davantage de succès que l’Hipponate. Les réformés sont néanmoins comparés historiquement aux hérétiques du ive siècle et Augustin sert de réservoir à formules, François sachant faire passer au second plan les caractéristiques des anciennes hérésies qui ne lui sont pas utiles. C’est ainsi qu’il reprend volontiers les citations augustiniennes de ses adversaires Calvin et Luther. L’apologétique de François de Sales est donc très semblable en sa méthode à celle d’Augustin et celui-ci apparaît comme un « témoin » de l’histoire de l’Église.

Face aux humanistes, François de Sales se situe « dans la tradition augustino-paulinienne reprise par Thomas d’Aquin et Érasme » (p. 161). Augustin sert alors « d’hypotexte », notamment à propos des deux amours, de soi et de Dieu. L’Introduction à la vie dévote ne conseille-t-elle pas de travailler à la juste réputation, loin du mépris de soi (cf. p. 170) ? L’Augustin de François est alors celui « qui humilie la raison » (p. 189).

Face aux mystiques, François de Sales remédie au divorce entre la spiritualité et les Écritures grâce à la christologie augustinienne, notamment celle de Ph 2,11 qui « répond ultimement au paradoxal besoin d’annihilation formulé par ses contemporains » (cf. p. 246-248. Sont visés Madame Acarie, Bérulle, Jeanne de Chantal).

Finalement, cette recherche permet de comprendre comment après le Concile de Trente on pouvait lire Augustin pour en faire une autorité incontournable, au risque de l’amplifier sans nuances ou d’en oublier certains principes. T. G. nous fait surtout comprendre que « par-delà l’immanence de l’histoire, l’efficience de la nature et la vitalité des corps humains, c’est à la chair des Écritures que l’Augustin salésien est associé, Écritures qui se trouvent au cœur même de l’ontologie théologale » qui caractérise si bien l’enseignement de François. Les deux sont bien des docteurs qui ont encore à nous enseigner aujourd’hui, l’un avec l’autre. — A. Massie s.j.

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