L'Éphémère et l'Éternel. La souveraine régularité des rythmes dans l'Histoire universelle
J. Bruyas
L'A., qui a enseigné à Paris I (Panthéon-Sorbonne) et qui a aussi
tenu des fonctions dans l'administration de la Commission
Européenne à Bruxelles, s'attache dans cet ouvrage à un thème
particulièrement essentiel pour notre culture. L'Occident fascine,
et s'impose universellement, par son savoir technologique. Mais il
faut considérer que ce savoir ne naît pas de rien. Il hérite de
longues recherches et tâtonnements, qui pointent tous en direction
de la saisie d'un principe unitaire capable de reprendre en soi
toutes les réalités. Or le savoir technique n'arrive pas à assumer
et à exposer lui-même ce principe qui fut à son origine. L'Occident
contemporain a de fait laissé de côté l'exigence d'unifier tout ce
qui n'est pas du cosmos, c'est-à-dire le psychisme et la durée (ou
le temps vécu). Or, selon l'A., il y a là aussi des possibilités
rationnelles de saisies unitaires, de synthèses universelles, mais
à la condition de réintégrer ce que l'Occident aurait oublié.
L'idée est que l'histoire de l'humanité peut être divisée en trois
grandes sections temporelles, chacune de 2160 années, l'année zéro
(l'année de la naissance du Christ par convention commode) faisant
le passage de la deuxième à la troisième section. En chacune de ces
sections, selon l'A., les événements se succéderaient d'une manière
semblable, ce qu'il montre en envisageant plusieurs domaines
(politique, littéraire, etc.).
Voyons par exemple le domaine philosophique. Il y a des similitudes
étonnantes entre l'école de Milet et Bacon, tous attentifs à
l'observation des phénomènes naturels et à l'expérimentation, ou
entre Héraclite et Pascal, qui soulignent l'un et l'autre
l'importance de l'idée d'infini; or tous ces auteurs vivent à des
dates concordantes selon le comput de l'A. Ces considérations ou
fortes hypothèses étant développées dans la première partie du
livre, «L'éphémère», la seconde partie, «L'éternel», tente de les
synthétiser en intégrant les deux principes «oubliés» par la
science occidentale, c'est-à-dire le psychisme et la durée. Ces
deux principes sont unis au principe (qui, lui, n'a jamais été
oublié) de la matière, le tout rassemblé par le lien originaire
qu'est l'«énergie». Le trinôme de l'énergie (matière, psychisme et
durée) accompagne ensuite l'A. pour interpréter le christianisme
ainsi que la spiritualité chinoise. On peut craindre de rencontrer
çà et là quelques visions «métaphysiques» en un sens peu noble du
terme, aussi bien grandioses que syncrétistes, où peu de monde
retrouvera des traces de la vérité. - P. Gilbert sj