L'exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval. XIIe-XIIIe siècle

Gilbert Dahan
Théologie - Recenseur : Georges Chantraine
G.D., directeur de recherche au CNRS, chargé de conférences à l'École pratique des hautes études, cherche dans cet ouvrage à savoir selon «quelles procédures» (33) la Bible, - texte inspiré, délimité par un canon et «évolutif» (ch. I) - lue par des clercs et des laïcs («Introduction»), peut être comprise selon son sens spirituel (ch. VIII) en passant par une double médiation: celle des milieux, tels monastères, écoles, universités (ch. II) et celle des moyens rationnels (formes, critique textuelle, méthodes de l'exégèse littérale et spirituelle) (ch. III-VI), employés tant par les chrétiens que par les Juifs (ch. VII). Après «Conclusion» et «Bibliographie», quatre index (manuscrits cités, citations scripturaires, auteurs anciens et médiévaux, auteurs modernes et contemporains) achèvent de manière parfaite cette étude approfondie et brillante.
Poursuivant la ligne des travaux de Bernard Blumenkranz et de Beryl Smalley (The Study of the Bible in the Middle Ages, Oxford, 1983 ³) sur le judaïsme et le christianisme, G. D. travaille dans un esprit qui n'est jamais polémique (voir son ouvrage Les Intellectuels chrétiens et les Juifs au Moyen Âge, Paris, Cerf, 1990), sur un thème essentiel de la pensée: l'exégèse de l'Écriture sainte. Il l'examine de près au moyen de nombreuses lectures de manuscrits et le scrute en historien, en philosophe et en théologien. Il ordonne sa patiente recherche historique grâce à une réflexion linguistique et philosophique sur les principes rationnels de l'exégèse médiévale «confessante», qui est littérale et spirituelle. Il s'appuie sur les acquis récents de ces disciplines, en particulier sur les travaux de Paul Ricoeur et de Paul Beauchamp, eux-mêmes largement redevables des travaux de Henri de Lubac.
Les outils rationnels ainsi élaborés lui permettent de faire saillir des conclusions stimulantes pour le théologien, approchant d'aussi près que possible le «saut herméneutique» que constitue le passage du sens littéral au sens spirituel. Sans exténuer le «sens propre» ni le «passé historique», qui appartiennent au sens littéral, ce saut répond à une «exigence de cohérence»: laquelle? comment la justifier rationnellement, surtout en face de l'exégèse juive (435-444)? Ce saut s'inscrit, pense G. D., dans une «démarche d'immanence»: n'y aurait-il pas, se demande G.D., une «circularité» entre la lettre et l'esprit (447)?
Sa recherche lui fait rencontrer ainsi les travaux de théologiens chrétiens, tels Jean Daniélou et Henri de Lubac, auteur de l'Exégèse médiévale (Les quatre sens de l'Écriture, le partie, t. I et II, coll. Théologie, 41, Paris, Aubier-Montaigne, 1959, 712 p. ; 2e partie, t. III, coll. Théologie, 42, 1961, 562 p. ; 2e partie, t. IV, coll. Théologie, 59, 1964, 560 p.). «La remarquable enquête de Henri de Lubac, écrit-il, a fait le tour de la question et produit une masse de témoignages d'une richesse vertigineuse, même si, çà et là, divers compléments ont pu lui être apportés. Les 'quatre sens de l'Écriture' chers au savant jésuite sont devenus un acquis dans l'histoire de l'exégèse médiévale» (436). Il confirme ainsi la valeur durable de cette recherche. Il aurait pu voir encore mieux combien le P. de Lubac est lui aussi attentif à la « circularité» entre la lettre et l'esprit. Mais son ouvrage très documenté, fort bien charpenté et instructif, suscite le désir de le voir approfondir encore sa réflexion spéculative sur le lien entre lettre et esprit.- G. Chantraine, S.J..

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