L'expérience est peu commune. Docteur en sciences, professeur
d'épistémologie et de philosophie de la nature à l'Institut
Catholique de Lyon, prêtre engagé dans une vie consacrée de type
monastique, l'A. avait rejoint après son doctorat (1971) un gourou
hindou de réputation internationale, Maharishi Mahesh Yogi. Initié
par lui à la méditation transcendantale dans la tradition
védantique de l'hindouisme, puis au yoga en Ashram dans l'Himalaya,
il fut conduit jusqu'à l'expérience du samadhi, du «grand plongeon,
dans le Tout immobile au sein duquel se déploie la danse cosmique»
(p. 67). Une lente prise de conscience de la nostalgie de l'Autre
au sein même de la plénitude où il s'abîme, la négation, face aux
lépreux, du caractère personnel inaliénable de l'être humain et la
rencontre de la tendresse de Jésus-Christ (1975) ont ramené l'A.
sur les chemins de la foi de son enfance. Le livre n'est pas
ordinaire. Le récit sobre mais circonstancié de la route suivie
laisse toute sa place à la réflexion du philosophe et du
théologien. L'A. analyse «l'expérience de la vacuité» (p. 68),
«expérience d'exister pure et incandescente» (p. 68), «expérience
de l'esse substantiel de l'âme» (p. 73). Il la contredistingue de
la mystique chrétienne visitée par la grâce de l'Ipsum Esse
subsistens (p. 75). Dans les perspective de Maritain,
Monchanin, Gardet, de Lubac et Balthasar, l'A. éclaire les
différences entre le «narcissisme sans Narcisse» (Monchanin, p. 81)
et l'amour d'amitié inscrit dans la charité trinitaire et
chrétienne. Il met en relief la «divergence fondamentale» (p. 95)
des anthropologies inhérentes à l'hindouisme et au bouddhisme ou au
christianisme: il y va de la personne, de la communion dans
l'amour, de la paternité et de la compassion pour chacun. Avec
respect, sans concessions, dans des pages très nuancées, l'A.
différencie la pratique du yoga de la prière chrétienne (p.
133-145). Une étude de l'octuple voie du Bouddha (p. 162- 181), de
la transfiguration du désir dans la charité du Christ (p. 183-205)
et de la réincarnation (p. 211-229) clôturent ce «maître-livre»,
comme le qualifie A. Léonard dans sa Préface (p. 7).
L'ouvrage contient un glossaire précis de deux pages et, parmi les
documents annexes, la lettre de la Congrégation pour la Doctrine de
la foi sur la méditation chrétienne (du 15 octobre 1989). Pour
l'A., «l'expérience au coeur des mystiques orientales est
'interdite', parce qu'elle ne laisse plus la place à l''interdit',
c'est-à-dire à la Parole qui marque l'altérité et que Dieu offre
comme lieu de rencontre» (p. IV). L'authenticité du témoignage, la
solidité doctrinale et la clarté pédagogique font de l'ouvrage une
contribution importante et accessible sur les religiosités
contemporaines. - A. Chapelle, S.J.