L'histoire d'Israël entre mémoire et relecture

Philippe Abadie
Écriture Sainte - Recenseur : Jean Radermakers s.j.
Voici un livre qui rendra de grands services aux exégètes professeurs et aux étudiants en théologie. Il répond à la question: peut-on se fier à la Bible pour composer une histoire du peuple hébreu, ou bien faut-il croire l'archéologie quand elle dénie à l'Ancien Testament une valeur historique au point de n'en retenir qu'une «fiction théologique»? La réponse, évidemment, doit être nuancée: les récits de la Bible partent de l'histoire, mais la mémoire du peuple et des auteurs n'en conservent pas toujours les paramètres que nous jugeons indispensables aujourd'hui pour constituer une histoire au sens moderne, c'est-à-dire une chronologie exacte et une description fiable des événements. L'A., professeur d'exégèse à l'Univ. catholique de Lyon, auteur de plusieurs études bibliques de valeur, traite la question de façon remarquable, en se basant sur des travaux précis menés avec rigueur et compétence.
Une brève introduction ouvre le volume, annonçant «les termes du débat» dans un premier chap. à la fois clair et vigoureux: la Bible est le seul témoin de la foi d'Israël; mais jusqu'où va sa fiabilité? Le chap. 2 se demande si l'on peut écrire l'histoire à partir de la Bible, et, chemin faisant, l'A. fait la critique de livres comme La Bible dévoilée de Finkelstein-Silberman, en raison d'une méconnaissance de «l'intention historienne» et théologique des textes bibliques, qui sont aussi des faits historiques. Il poursuit (chap. 3) en proposant un juste rapport entre exégèse et archéologie à la lumière des fouilles de Jéricho confrontées aux textes bibliques: la Bible et le terrain mis en parallèle. Le chap. 4 s'intéresse au petit roi Salomon et à sa modeste cour: où est la vérité et où est l'utopie? Il s'interroge aussi sur la réalité du schisme des tribus: un royaume du nord et un du sud, en invoquant le «roman» de Jéroboam (chap. 5), en utilisant la lecture comparée de la LXX en 1R 12. Le chap. 6 étudie la dynastie des Omrides; sont-ils les vrais créateurs du royaume d'Israël? Qu'en est-il d'Achab, décrié dans la Bible, dont l'A. fait ressortir le caractère fictif? Des questions sérieuses traitées dans une confrontation sérieuse entre les textes et les vestiges de l'histoire.
Ayant analysé de près quelques textes significatifs, l'A. propose une conclusion qu'il tire à partir de l'invasion de Sennachérib (en 701) à Jérusalem, dont on trouve des traces dans la Bible et dans les ruines: un exemple flagrant de la relecture théologique que fait la Bible de l'événement. Faut-il parler de livre d'histoire ou plutôt de livre dans l'histoire? Une critique rigoureuse s'avère donc nécessaire: «lecture d'un passé construit à la lumière du présent. C'est là aussi faire oeuvre d'historien» (p. 200). Ce livre nous apprend vraiment à réfléchir et à nuancer nos déclarations quand nous parlons d'histoire d'Israël. Merci à l'A. d'avoir osé entreprendre ce travail intelligent et lumineux. - J. Radermakers sj

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