L'infinito e la siepe. Metafisica e laicità in Giacomo Leopardi, éd. G. Caramore
Levi della Torre St.
Leopardi, l'un des plus grands poètes italiens (1798-1837),
témoigne des tensions et des recherches qui animèrent l'âme
italienne en ses temps de profonds réaménagements de la vie
politique et sociale en Europe. L'Italie, terre chrétienne s'il en
existe une, était alors (comme aujourd'hui) confrontée à un
christianisme visible partout alors que la société s'éloignait déjà
à grands pas de l'Église. La sécularisation en cours en Occident
n'est jamais sans traîner avec soi son lot de douleurs. Leopardi,
poète sombre, torturé, profondément marqué par le sacré, sait
combien nos vies sont présentes à un mystère que les enveloppe mais
que, à son estime, nous réduisons trop facilement aux structures de
la religion pour tenter de le supporter. De soi, la vie serait
allègre et pleine d'espérance. Mais l'éloignement même de ce qui
nous comble nous plonge dans le désarrois. Bien plus, et
contrairement à ce qu'affirme l'Évangile de Jean, la lumière qui
fait tout apparaître en ses contours déterminés provoque l'oubli de
l'infini. Le destin humain est tragique. Le christianisme efface ce
tragique; en ses origines, il avait éveillé au sens du mystère,
mais il s'est replié par la suite sur le salut de l'homme qu'il a
rationalisé en effaçant le sacré. Le poète laïc pourra-t-il lui
rappeler son essence? - P. Gilbert sj