La première édition de cette très pure méditation philosophique
date de 1991. Elle demeure inchangée mais elle est précédée d'une
préface et augmentée d'un chapitre. L'essentiel de la réflexion se
concentre sur l'oubli et ses différentes formes. Mais le propos est
de penser l'inoubliable avec toute la rigueur possible. Dès les
débuts de la philosophie, la question d'un oubli imaginaire a été
posée avec Platon. Cet oubli premier constitue, pour la pensée
platonicienne, son noyau irréductible. N'est-ce pas lui qui ouvre
la temporalité humaine à la recherche de la vérité? Malgré leurs
diversités, les doctrines philosophiques de l'oubli en manifestent
la radicalité intolérable. D'où le déni de la perte. Avec le
christianisme, au contraire, s'affirme une considération positive
de la perte car, pour lui, celle-ci ouvre l'avenir. Il se refuse à
toute nostalgie. Ainsi se dirige-t-on vers ce qui ne cesse de venir
à nous, vers cet incessant, qui est inoubliable, s'il vient du
passé, mais qui est inespéré, quand il vient de l'avenir. C'est
dans le présent que se situe le lieu de la venue de ces deux
mouvements et il leur donne de demeurer ce qu'ils sont. La Bible et
la philosophie permettent de penser cet incessant. La mémoire et
l'espérance ne peuvent se séparer car, souvenir de la promesse,
l'espérance conjoint passé et avenir. En ajoutant un chapitre à son
livre, l'A. veut expliquer ce que cette réflexion a apporté dans
son cheminement réflexif et spirituel. La louange, qu'il pose dans
L'Arche de la parole (1998) comme la plus haute possibilité du
langage, et avec elle le merci et le oui, se révèle précisément
comme conjonction de l'inoubliable et de l'inespéré. Aux nombreuses
évocations d'auteurs variés sur le thème abordé, on pourra ajouter
la très récente étude de M.-J. Huguenin, Mémoire et espérance chez
Jean de la Croix et Thomas d'Aquin, dans Teresianum, LIV, 2003, p.
391-422. - H. Jacobs, S.J.