On connaît les remarquables travaux d'A. Paul, dont la réputation
n'est plus à faire. Nous en avons rendu compte, en son temps (cf.
NRT 111 [1989] 437; 121 [1999] 297), tout en émettant certaines
réserves à propos de la naissance du christianisme (cf. NRT 123
[2001] 641; 125 [2003] 126). L'A. aborde ici un sujet connexe: quel
impact ont eu les découvertes de la mer Morte sur la recherche
biblique et en quoi nous éclairent-elles sur la société juive aux
alentours de l'ère chrétienne? En fait, elles ont complètement
renouvelé notre regard sur la manière dont les écrits bibliques ont
été composés et transmis, puis sélectionnés, regroupés et
finalement interprétés. Telle est la conviction de l'A. après avoir
étudié de près les 200 rouleaux bibliques découverts dans les
différentes grottes de Qumrân et dans les cavernes avoisinantes des
monts de Juda.Son introduction précise son propos en rappelant la
nature des documents découverts, leurs mentions des recueils de la
loi et des prophètes, la multiplicité de textes-sources et de
filières de tradition. Comment les livres de la Bible et les textes
qui les composent ont-ils été rédigés? Trois parties dans ce
volume: la Loi de Moïse et les livres de la Loi; les livres
prophétiques avec David, les autres livres ou écrits. À propos des
livres de la Loi recueillis au désert de Juda, l'A. fait d'abord
l'inventaire des fragments du Pentateuque retrouvés, en notant les
relectures et les lacunes; il en infère à l'existence de documents
interprétatifs de type midrashique et il montre leur importance
tant pour la communauté que pour la société juive. Ensuite il
traite des dérivés ou concurrents des livres de la Torah et fait
état de remakes du Pentateuque, soit dans une ligne romancée, soit
dans une réflexion enrichie, avec le «Rouleau du Temple» qui
apparaît comme un Deutéronome au carré. Les textes cités par l'A.
sont impressionnants et nous informent sur la naissance du midrash
et sur les prodromes du judaïsme rabbinique (IIe s. av.J.C.).
Abordant le deuxième groupe d'écrits, les prophètes avec David ou
les psaumes, l'A. inventorie pareillement les fragments des livres
de référence de la communauté avant d'examiner les «dérivés ou
concurrents» des livres des prophètes, qui révèlent un foisonnement
étonnant de cette sorte de textes, démontrant là encore les chemins
de l'origine du commentaire appelé pésher, trace d'une exégèse
actualisée. Il en profite pour montrer comment l'exégèse de Paul en
Romains rappelle l'interprétation du Maître de Justice. Enfin il
traite des autres livres bibliques touchant les origines de la
royauté ou inspirés de la Sagesse. Ainsi saisissons-nous les
linéaments embryonnaires de notre TaNaK: «la Bible avant la
Bible».
Reconstructions astucieuses bien que basées sur des fragments, mais
qui révèlent tout un travail d'élaboration dont nous n'avions idée
que par quelques «apocryphes» de l'AT. La conclusion est
significative et pose question. L'A. imagine une «Bible de
l'avenir» qui contiendrait les éléments trouvés à Qumrân et
ailleurs, indices d'une longue et progressive maturation des
textes. Affaire à suivre. - J. Radermakers sj