L'ouvrage présenté ici résulte d'une recherche doctorale menée à la Grégorienne de Rome. Il dégage 4 étapes dans l'histoire heideggérienne de l'es gibt. La première étape est celle des premiers travaux phénoménologiques de Heidegger. On y voit l'importance de l'exigence husserlienne de «revenir aux choses mêmes», aux choses «données» pourrait-on dire, dont les caractéristiques pré-théoriques ou pré-thématiques tiennent précisément dans le fait qu'elles sont «données». Les «choses» jouissent donc d'une Gegebenheit (le fait d'être donné) originaire et impossible à vraiment «objectiver».
La deuxième étape observe ensuite l'avènement de l'expression es gibt dans Être et temps, tout particulièrement lorsque la réflexion s'attelle à la question de la vérité. La Lettre sur l'humanisme constitue la troisième étape de cette histoire. Il s'agit maintenant d'aller décidément au delà de l'humanisme auquel beaucoup avait identifié Être et temps. On peut comprendre cette nouveauté comme un témoignage donné à la Kehre (le fameux «tournant») heideggérienne. Il s'agit de réfléchir sur l'originaire de telle sorte qu'on puisse en dire l'origine dans le mouvement même de sa donation, c'est-à-dire en tant qu'Ereignis (mot que l'on traduit habituellement par «événement»). La quatrième étape vient surtout de la conférence Temps et être, de 1962, que l'A. analyse longuement et avec beaucoup de finesse. Au terme de la recherche, l'expression es gibt apparaît effectivement comme une catégorie indispensable pour dire le «principe» en phénoménologie. Certes, elle n'est pas l'unique catégorie qui soit essentielle. D'autres le sont également dans la recherche heideggérienne, par exemple la «vérité», le «rien», le «temps». Mais elle se manifeste vraiment primordiale pour saisir correctement la puissance métaphysique de ces mêmes autres catégories. Une très belle thèse. - P. Gilbert sj