La fin de l’antijudaïsme chrétien. L’Église catholique et les Juifs de la Révolution française au concile Vatican ii

Philippe Chenaux
Histoire - Recenseur : Bernard Joassart s.j.

Nostra aetate. Ce document de Vatican ii fut un texte majeur, en particulier parce qu’il reconnaissait – enfin, serait-on tenté de dire – au peuple juif toute sa dignité dans l’histoire du salut, et ne le considérait plus comme « perfide », « déicide »… la liste pourrait s’allonger presque à l’infini dans les qualificatifs dégradants.

Pour en arriver à ce document et aussi à ses prolongements sous les pontificats de Jean-Paul ii et de Benoît xvi qui l’ont comme « ciselé » par leurs réflexions et leurs gestes, le chemin fut long et ardu ; Philippe Chenaux en retrace les étapes depuis l’époque des Lumières. Car, à côté des outrances ordurières que furent entre autres la pensée d’un Édouard Drumont ou l’antisémitisme nazi, lequel connut des émules sous le régime fasciste italien, celui de l’État français de Vichy ou encore ceux de l’univers soviétique, à l’intérieur même de l’Église catholique, les prises de position, y compris au plus haut niveau de la hiérarchie, ou des gestes liturgiques flagrants comme le refus, lors de l’office du Vendredi saint, durant la longue prière d’intercession, de se mettre à genoux lors de la prière consacrée aux Juifs, furent bien souvent peu amènes à l’égard du peuple de la première Alliance. La théologie de la substitution ou la volonté de la « conversion » à tout prix (y compris dans le chef de juifs ayant reçu le baptême, qui n’étaient pas nécessairement les moins prosélytes), étaient comme des principes radicalement intangibles. Passer outre à de telles attitudes, souvent héritées d’une mauvaise compréhension de l’Évangile et de certains théologiens des premiers siècles, entrer dans la voie de l’acceptation que l’Alliance avec le peuple élu était irrévocable et que celle scellée par l’incarnation, la mort et la résurrection du Christ était dans une parfaite continuité, exigea bien des remises en question. Il fallut, malheureusement, le « martyre des Juifs » systématiquement organisé par le régime nazi pour que se produisît enfin le « déclic » salutaire. Et l’on sait que, malgré ce martyre, le changement d’attitude ne se fit pas sans heurts, et que certains sujets demeurent encore et toujours objets de controverse, notamment ce qu’on appelle communément les « silences de Pie xii » durant la Seconde Guerre mondiale, qui agite encore et toujours bien des esprits.

L’ouvrage de Philippe Chenaux n’est pas long. On pourrait dès lors penser que l’A. a par trop simplifié une histoire plus que complexe. Loin s’en faut. À la suite d’une sérieuse fréquentation, tant des textes que de la littérature pour le moins abondante, le mérite majeur est précisément d’exposer, de manière synthétique les étapes de la longue route qui amena le catholicisme à reconnaître l’incomparable valeur du judaïsme et à refuser toute forme de rejet ou tout simplement de méfiance, et à amener le lecteur à refuser toute forme d’hostilité à l’égard du judaïsme. Même s’il y a encore du chemin à faire et à garder une extrême vigilance. — B. Joassart s.j.

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