Maurice Bellet avait déjà traité de «l'en bas» dans L'amour déchiré (p. 68-72 ; cf. recension en NRT 123 [2001] 469). En un petit volume confié aux éd. Bayard, et - est-ce un hasard? - daté du 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère, il relate la possible traversée de l'en bas. M.B. a pu côtoyer dans sa pratique de psychanalyste, de philosophe, de prêtre aussi, ce qu'il peut y avoir de monstrueux dans la vie des humains, et peut-être le plus noir : le mépris pour soi, jusqu'à la haine et au goût de se détruire. Tout en bas est bien entendu relatif à un en haut, à une plénitude supposée, un plein de sens. Quelle figure ce dernier peut-il prendre pour qui est englué, pensée et actes, conscience et instincts, dans la honte, la haine et la peur?
Dans cet essai, pas davantage que dans ses ouvrages récents, l'A. n'acceptera que la tristesse ait le dernier mot. Non! «Il n'y a pas d'homme condamné» (p. 65), «soyons prochains les uns aux autres!» (p. 66). Suivront non pas des recettes pour sortir de l'en bas, mais des pistes qui s'ouvrent, en appellent à une joie qui s'oppose à ce qui met l'humain à genoux, à ce qui tend à le déposséder de sa dignité. Il garde une capacité de résister à ce qui déshumanise. Bellet en revient au caractère inaliénable du désir d'être, ce désir que Dieu voit et nourrit, fût-ce dans la nuit!
Ainsi, la sortie de l'en bas ne fera-t-elle pas l'économie d'une prise en compte de la base et de tout ce que cela peut signifier. Ce n'est pas d'abord par des membres du Sanhédrin convertis que l'heureuse nouvelle s'est répandue, mais par ceux qui étaient considérés comme balayure par «le monde». Ce n'est pas tant par les pics et les sommets de leur existence que les disciples de la voie se distinguaient; et leur témoignage ne se revendiquait d'aucune autorité d'en haut. Il rayonnait plutôt, jusque et y compris dans la mort, d'un amour reçu et partagé, converti et lavé de tout mépris, pardonné sans relâche, qui pouvait gagner de proche en proche, et devenait à son tour passage et traversée. - Ét.R.

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