Le célibat pour Dieu. Une autre manière de créer des liens. Regard psychanalytique

N. Jeammet
Psychologie - Recenseur : Bernard Pottier s.j.
Dans un livre précédent, Amour, sexualité, tendresse, la réconciliation?, Paris, Odile Jacobs, 2005, l'A. a étudié la manière dont est agie la sexualité en fonction des attachements précoces. D'où une typologie intéressante à quatre entrées, dont les trois premières relèvent de la pathologie narcissique: la sexualité sans visage, la sexualité papillonnante, la sexualité totalisante; ou la sexualité et l'amour de mutualité: l'attachement qui pacifie les pulsions. Ce dernier doit apprendre à vivre les quatre paradoxes suivants: un amour de l'autre inséparable d'un amour de soi; une liberté qui s'éprouve dans la dépendance; une exclusivité qui s'ouvre à tous; une communion qui suppose l'accès à une aire de solitude (p. 62-63).Cette fois-ci, l'A. s'interroge sur le célibat consacré à Dieu, en tant que vie où la sexualité n'est pas agie. Mais finalement, pour l'A., le mariage comme le célibat consacré ont un même but: apprendre à aimer un autre, différent de soi.On ne choisit pas le célibat consacré uniquement pour des raisons spirituelles. Il y a des motivations psychiques conscientes et inconscientes qui conduisent à désirer ce chemin-là. Au ive siècle, Cassien (Conférences, Sources chrétiennes 42, p. 139) distinguait trois types de vocation religieuse: celle qui vient de Dieu; celle qui vient par un intermédiaire humain; celle par nécessité (la vocation-refuge). Pour N. Jeammet, il y a toujours une combinaison de ces trois aspects: le désir spirituel, les désirs humains et l'aspect défensif, l'évitement de ce qui n'est pas possible à vivre (p. 83). Comment ces trois désirs peuvent-ils coexister?Au début du livre, elle a annoncé ses présupposés théoriques: Freud et Winnicott (l'espace transitionnel paradoxal), mais entend utiliser leurs théories avec l'apport de la foi chrétienne qui constitue comme une sorte d'espace transitionnel (p. 33-34 et 82).L'A. s'appuie sur une trentaine de témoignages (surtout catholiques, mais aussi 8 protestants et orthodoxes, éventuellement mariés): interviews d'une durée allant d'une heure à une heure 45, où s'élaboraient quatre grands thèmes: les souvenirs d'enfance incluant ceux avec les grands-parents et les parents; la scolarité, interrogeant à la fois sur les investissements intellectuels et la faculté à se faire des amis; l'adolescence et les rencontres filles-garçons; le choix de vie et l'appel à la vie religieuse (p. 84). À partir de là, elle montre comment ces chemins de désirs se construisent dès l'enfance et rendent l'idéalisation de ce choix possible: on se décide pour le célibat consacré parce qu'on pense que ce chemin peut rendre heureux.L'auteur découvre une problématique abandonnique chez certains appelés (p. 100), souvent un évitement du sexuel et de l'affectif (p. 109), une façon de transformer la culpabilité (p. 130); certains deuils peuvent radicaliser le sens de la vie (p. 131). Certaines vocations-refuges peuvent être finalement fort heureuses (p. 145). L'A. montre que la fascination par un idéal abstrait de perfection est quelque chose de très différent de la rencontre avec Quelqu'un (p. 158). Elle respecte le mystère (p. 163) et valorise l'engagement (p. 197-199). Elle constate que, souvent, les femmes vivent les choses de façon plus existentielle que les hommes (p. 199.208).Notons qu'elle découvre dans beaucoup de vocations un surinvestissement intellectuel de personnes assez introverties. Ce n'est sans doute pas faux, mais nous regrettons pour notre part la note un peu péjorative que l'auteur y attache (p. 74.96.111.162.252).L'interprétation qu'elle donne de la vision d'Ostie nous semble intéressante. L'auteur ajoute que, souvent, les psychanalystes interprètent mal ce genre d'événement parce qu'ils n'en ont pas fait l'expérience (p. 98-99). - B. Pottier sj

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