Les éditions successives des chroniques radios, essais et courriers
du « Bernanos Brésilien », datés pour la plupart de
septembre 1938 à mai 1945 (réédités en 1987) témoignent de leur
« actualité inactuelle ». Ici annotés par Brigitte et
Jean-Loup Bernanos et présentés par Gilles Bernanos, ces textes
attestent, au-delà des années de la ferme dans la Pampa, la
pénétration spirituelle des « cheminements d'une âme en
croix ». Bernanos écrit lui-même à propos de cette
période : « la triple corruption nazie, fasciste et
marxiste n'avait presque rien épargné de ce qu'on m'avait appris à
respecter et à aimer (…). Il n'était plus possible d'y écrire ou
même seulement d'y respirer ». C'était Vichy ! L'histoire
de la France avait, douloureusement, et a encore, partie liée avec
la destinée des autres, alors européenne, maintenant mondiale.
Chaque époque a ses crises et rêve sa société. N'est-il pas vrai
que notre temps est encore celui dont le but « (…) est la
simple consommation de ce qui est à mesure qu'approche le jour
attendu, infaillible, de la libération absolue de l'homme, non pas
de l'Homo sapiens du philosophe antique, mais de l'homme total, qui
ne connaît ni Dieu ni maître, étant à soi seul sa propre
fin » ? La méditation de ce Chemin de la
Croix-des-Âmes résonnera sans doute singulièrement (selon
l'âge du lecteur) au creux de notre conscience et de notre
histoire. Bernanos le disait (p. 209) : « Ainsi, la
liberté se dégage peu à peu de ses définitions juridiques, elle
redevient humaine, incarnée, elle redevient la compagne de l'homme.
Dieu veuille qu'il réapprenne à la défendre, non comme un privilège
gratuit, mais comme la chair de notre chair »
(dans O Jornal , Rio, 14 oct. 1941). -
J. Burton s.j.