Tertullien (vers 160-220) est le premier théologien latin, le plus grand après Augustin par l'ampleur, l'originalité et la force de sa théologie. Carthaginois, païen converti vers 180, passionné pour la vérité, il passera sa vie à défendre la réalité incarnée du Christ qui nous sauve parce qu'il est la seconde Personne de la Trinité. Mais sa pensée nous est parfois difficile à saisir parce que basée sur la philosophie stoïcienne attachée à l'unité du réel et de la vérité et donc à la continuité entre toutes choses, à savoir entre le Créateur, le monde et le Christ, entre loi et Évangile, entre création et salut, etc. L'Incarnation est une re-création de l'homme à l'image du Créateur. Seul le Christ créateur permet de connaître l'homme et il le sauve parce qu'il est plus homme que l'homme. Tertullien soutient l'absolue vérité de la chair du Christ. Dieu s'est fait homme pour que l'homme rejoigne Dieu. La résurrection de la chair est l'oeuvre finale du Christ et presque sa raison d'être.
Tertullien écrit le premier traité sur la Trinité contre le monarchisme de Praxéas, et il a explicité les deux natures du Christ réunies sans confusion en une Personne unique, doctrine reprise par les conciles de Nicée-Constantinople et de Chalcédoine. La philosophie stoïcienne lui permet de voir la Trinité comme relations entre Personnes divines égales et éternelles en écartant tout modalisme ou subordinationisme. L'union des Personnes constitue l'unicité divine. Le Christ, lui, est unifié dans une personne individuelle singulière. L'unité sans confusion des deux natures du Christ est au fondement de l'être du Christ. C'est dans sa foi profonde que Tertullien a pu mieux éclairer sa compréhension de la Révélation.
J. Alexandre a écrit un bel ouvrage pour mieux faire connaître la pensée de Tertullien. Il regrette qu'on ait trop peu étudié cette théologie capitale des débuts du christianisme, mais pourquoi ne pas parler explicitement d'une des causes probables de cette lacune, à savoir, le passage de Tertullien à l'hérésie montaniste en 213, ce qui a durci sa morale, et en créant sa propre Église qui durera 200 ans. Or, dès 204, on sent dans son oeuvre l'influence du montanisme qui rejetait l'Église hiérarchique et le sacerdoce pour ne dépendre que du Saint-Esprit. Ceci n'a probablement pas influencé sa christologie, mais a jeté un certain doute sur l'orthodoxie de sa pensée et découragé pas mal de théologiens. - B.C.

newsletter


la revue


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80