Ce livret garde toute son actualité. Il souligne, à partir de la
tradition de saint Benoît, l'existence et l'importance du combat
spirituel. Il réaffirme qu'il appartient à la liberté chrétienne de
s'associer au Christ dans son oeuvre de salut par la volonté de
combattre avec Lui et par Lui. Selon saint Grégoire, saint Benoît
avait un charisme particulier: le discernement des esprits. À la
suite de saint Cassien, Benoît présente le combat spirituel comme
spécifique du monachisme. Quelle est la nature du combat (I) sinon
de renoncer à un «moi» idolâtré pour rechercher le vrai Dieu? La
description des «trois brèches» est éclairante: la convoitise
symbolisée par le porc, la vanité représentée par le paon,
l'orgueil par l'aigle qui veut dominer. «Tout le combat spirituel,
selon saint Augustin, consiste non à tuer le désir qui est le
moteur de notre vie, mais à le réorienter». Il faut risquer ce
combat pour ne pas pervertir les dons reçus. Le décentrement du
désir est une Pâque. La partie (II) souligne fort à propos les
conditions aggravant ce combat: l'environnement de l'homme
(famille, culture, modes de pensée) et les traumatismes affectifs
qui ferment «la porte à l'attitude oblative». Ces conditionnements
n'oblitèrent pas totalement la liberté ni ne ferment définitivement
le coeur profond. Même l'adversaire ne peut pénétrer dans ce noyau
virginal qu'est notre liberté fondamentale. L'action de cet
adversaire ne peut être ignorée: n'est-il pas l'accusateur par
excellence? N'est-il pas celui qui porte le soupçon sur la bonté de
Dieu et de son action? Une partie du combat consiste à l'identifier
et à qualifier ses actions dans notre monde. Le lieu du combat pour
le moine est davantage son propre coeur, et l'ascèse monastique
conduit à habiter ce coeur profond, lieu d'une Présence.La partie
(III) décrit brièvement les grands principes du combat spirituel:
chercher la charité, s'enraciner dans l'Esprit de Dieu, communier à
l'acte du Christ qui sauve le monde, s'ouvrir toujours à une
croissance dans l'amour puisque ce combat est aussi celui de
l'Église. En finale, les moyens ou les armes de lumière sont
décrites: la prière, l'Église et ses sacrements, les oeuvres de
charité, la contemplation en amitié avec Marie, la voie monastique
qui peut aboutir à l'apatheia ou pacification des passions vécues
en Dieu. Un des fruits de ce combat spirituel est une confiance
fortifiée en Dieu: l'esprit filial fleurit. Le vrai «moi» surgit,
grandit et s'offre au Père. Cette transfiguration est symbolisée
dans la prière du publicain: «Jésus Christ, Fils de Dieu, prends
pitié de moi pécheur» (Lc 18,18). Le style limpide de cet ouvrage
donnera beaucoup de lumière aux débutants dans la vie spirituelle
et également aux plus avancés. - A. Mattheeuws sj