En démocratie, nul ne niera que le débat soit bénéfique. Entendre d’autres voix, complémentaires ou même contraires, permet l’élargissement du regard contre l’étroitesse des préjugés. Mais lorsque le débat devient permanent, selon le titre du dernier ouvrage du P. Valadier, prof. émérite au Centre Sèvres, il y a danger de perdre l’Orient de ces débats, à savoir le bien commun. Car en fin de compte, le politique doit trancher les questions selon une anthropologie qui sache prendre quelque hauteur par rapport à la multiplicité des revendications subjectives. Fustigeant, au passage, le mensonge, les lanceurs d’alerte, le droit au blasphème, les conférences citoyennes et autres expressions d’une liberté qui refuse d’être instituée, l’A. affirme, sur le plan pratique, qu’une mobilisation permanente du peuple n’est pas possible et, au plan théorique, que le juste formel obtenu par la seule grâce d’une procédure correcte doit nécessairement s’appuyer sur un bien substantiel. Voici donc un livre bienvenu puisqu’il rappelle le nécessaire enracinement des normes sociales dans l’épaisseur d’une tradition proprement humaine. Telle était d’ailleurs l’intuition portée par la référence au droit naturel, traduite aujourd’hui dans les termes des droits de l’homme. À cet égard, on pourra s’étonner du jugement porté sur l’ouvrage de Pierre Manent La loi naturelle et les droits de l’homme (PUF, 2018) qui aurait, selon l’A., « de quoi inquiéter » (p. 90) vu qu’il remettrait en cause le progrès que représente la figure des droits de l’homme et qu’il ne proposerait, en regard, qu’une définition vague et personnelle de la loi naturelle. En réalité, P. Manent partage le même souci que P. Valadier de ne pas livrer les droits humains à une lecture trop subjectiviste, et la description qu’il donne de la loi naturelle par l’agréable, l’utile et l’honnête est très proche du vieux Cicéron qui la définissait par l’honestas et l’utilitas, et elle est aussi précise que l’injonction thomiste de faire le bien et d’éviter le mal. Le dernier tiers de l’ouvrage intéressera plus particulièrement les théologiens, car l’A. y met en évidence, après J. Habermas, J.-M. Ferry et… E. Macron, l’importance d’une prise de parole des religions, singulièrement de l’Église catholique, pour proposer au débat social des principes de référence ultime. — X. Dijon s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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