Fondé en 1969-70, le « Centre d’études des religions du Livre » devint par la suite (2004) le « Laboratoire d’études sur les monothéismes ». Il couvre et déborde parfois le domaine des trois « religions abrahamiques » dans l’étude desquelles s’étaient distinguées trois personnalités considérées comme les maîtres fondateurs : Georges Vajda, Paul Vignaux et surtout Henry Corbin. Dans l’organisation de la recherche scientifique française, « le modèle du “laboratoire”, exporté depuis le champ des sciences exactes » (p. 23), avait pour ambition de favoriser les recherches et réflexions collectives en sciences humaines et sociales.

Ce gros volume collectif tient à la fois de la célébration (un demi-siècle d’histoire mouvementée, mais aussi de riche fécondité scientifique), de l’histoire d’un projet ou d’une constellation de projets, d’un état des lieux couvrant toute une série de domaines de recherches, enfin d’un bouquet de réflexions sur les méthodes, les présupposés culturels, les difficultés et les fruits de travaux interdisciplinaires concertés et poursuivis dans la durée. Un des axes du Laboratoire – auquel il faut sans cesse tenter de revenir afin de résister à la dérive de projets cloisonnés – est de croiser les éclairages de l’histoire, des sciences humaines et de la philosophie, ce qui requiert une attention toujours renouvelée aux questions d’herméneutique et d’enquête comparatives.

Un des mérites de l’exercice de mémoire ici proposé est d’esquisser, non pas une stricte généalogie, mais une continuité de préoccupations scientifiques, intellectuelles et culturelles depuis de grandes figures des générations précédentes, en particulier Alexandre Koyré, Jean Baruzi, Étienne Gilson ou Louis Massignon. Viennent ensuite une vingtaine de chapitres consacrés à autant de champs de recherches particuliers : origines du christianisme, apocryphes juifs et chrétiens, gnose et manichéisme, patristiques grecque et latine, christianisme d’Orient, origines du Coran, histoire du monachisme et des ordres religieux, chantier en cours d’une « Nouvelle Gallia Judaica », exégèse médiévale et moderne, Réformes protestantes, traditions mystiques et courants ésotériques, monothéismes dans le débat démocratique… La théologie même – plus précisément ici l’histoire de la théologie catholique moderne et contemporaine – devient à son tour, à la suite de celle de la philosophie, une « discipline d’érudition » non confessante, un « gibier désormais incontesté d’historien » (p. 800). De manière éclairante, la plupart de ces contributions esquissent les évolutions récentes de la discipline ou du champ de recherches, les débats de méthode, les thématiques nouvelles, les publications (françaises surtout) plus marquantes. Un dossier d’annexes de quelque 90 pages propose de brefs documents : rapports d’activités, listes de membres, questions institutionnelles.

Ce volume jubilaire offre à la fois une vue d’ensemble des tendances actuelles en sciences des religions (monothéistes, au sens signalé ci-dessus) et d’utiles états des lieux concernant des champs particuliers. La multiplicité des auteurs (une petite trentaine) ainsi que la diversité des disciplines et des domaines de recherches présentent l’avantage de recoupements suggestifs et parfois la lourdeur de répétitions. — J.S.