Le meurtre de la parole ou l'épreuve du dialogue

M. Bellet
Psychologie - Recenseur : Hubert Thomas
Très largement aujourd'hui, on réclame le dialogue… Encore faudrait-il savoir où cela nous entraîne. Le livre de M. Bellet nous mène, quant à lui, loin des discours hâtifs et simplistes. Car, les choses du monde étant ce qu'elles sont, on n'évitera pas d'aller vers ce que M.B. appelle «le dialogue radical». Ne sommes-nous pas arrivés en effet au point où il s'agit de poser la question: qu'est-ce qui nous fait humain? Qu'est-ce qui fait l'humanité de l'homme? Affronter ces questions, c'est entrer dans un dialogue neuf qui ne peut se contenter de la bonne tolérance ou d'un commun dénominateur. Ce n'est pas non plus disserter sur le dialogue, c'est entrer dans le vif, aller dans une écoute sans exclusion et un accueil d'une parole autre. L'espace du dialogue éclate ainsi car il me faut, si je veux reconnaître que je ne possède pas la vérité, me désapproprier de ma propre voie, accepter que ce qui me donne un monde habitable, m'échappe, devant s'ouvrir à l'insaisissable.
Rude avancée, ascèse qui rabote le verbe haut que l'on peut tenir sur la foi, le salut, la vérité et autres grands sujets. Et quoi? Faudrait-il renoncer à sa foi pour être dans un dialogue vrai? Faudrait-il en venir à penser que seule l'élimination du christianisme peut réussir à lever l'obstacle? Peut-être faut-il s'avancer par là. Non pas du tout pour «arranger» la foi, pour la rendre plus acceptable et conforme aux requêtes du temps. Mais pour aller au coeur de la parole évangélique. Car l'Évangile, n'est-ce point traverser le feu? N'est-ce point une parole désappropriée de toute prétention à faire obéir. Parole tout à fait humble: disposition pure. L'élimination n'est donc pas pour détruire mais pour entendre ce qui se dit là dans l'Évangile. L'entendre non plus comme parole enclose ou durcie dans une croyance, mais comme nécessité humaine.Cette approche pourra être soupçonnée des deux côtés. Du côté de l'incroyant, elle pourra paraître une fois encore comme une récupération dans une apologétique renouvelée ou recyclée. Du côté du croyant, on la tiendra peut-être comme dangereuse, élimination justement, refus subtil de son identité. Que dire? Mais ici on veut précisément que le dialogue soit ce qu'il dit et en vienne bien au «lieu du combat», hors du meurtre de la parole. Car ce meurtre peut être à l'oeuvre au coeur même de la critique, de la déconstruction la plus acérée comme dans l'action humanitaire dévouée. Quant à «la facilité de l'élimination», ce serait oublier que la parole entre les humains n'est humaine jusqu'au bout qu'à être aussi tranchante. Résolument, elle retranche tout ce qui porte au meurtre de la parole, tout ce qui peut la faire taire, la réduire, l'abîmer. Parfois même au nom de l'absolu, au nom de Dieu ou d'une religion. - H. Thomas osb

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