Le regard du bon Pasteur. Mariage et conversion pastorale. Entretien avec le p. A. Spadaro s.j.

Christoph Schönborn (Card.)
Morale et droit - Recenseur : Pascal-Marie Jerumanis
Le dialogue publié dans cet ouvrage sous la forme d'un ensemble homogène rapporte des entretiens qui ont commencé lors du synode extraordinaire sur la famille de 2014. Dans ce dialogue, celui qui a été prof. de dogmatique à l'Univ. de Fribourg et secrétaire de la commission de rédaction du CEC manifeste des qualités étonnantes de pasteur. L'ouvrage est divisé en 3 parties : 1) le mariage et la famille dans le monde d'aujourd'hui ; 2) regard et attitude envers les situations « irrégulières » ; 3) la doctrine du bon Pasteur exige une conversion pastorale.
Ce parcours est profondément marqué par une attitude : ne pas surplomber, à partir d'idées abstraites, les situations réelles des personnes, des familles, des jeunes qui veulent se marier, mais les rejoindre avec le regard du bon Pasteur qui se fait proche de chacun, bien sûr avec un « souci de vérité et de réalisme », mais un souci « traversé par un regard de bienveillance, de compassion, de miséricorde », en se demandant « comment au coeur même des difficultés des couples et des sociétés Dieu est présent avec son dessein lumineux d'Alliance et de renouvellement » (p. 13). Dans la préf., A. Spadaro fait remarquer que la lucidité de son interlocuteur ne vient pas d'une réflexion purement intellectuelle, mais découle d'une expérience vécue. Le Card. rappelle d'ailleurs le défi que nous pose le pape François : le courage de la simple proximité avec la réalité concrète des gens, qui ne nous éloigne pas de la fidélité à la doctrine. L'A. fait aussi référence à la démarche synodale à laquelle le pape François convie toute l'Église. Cette démarche nécessite une vraie conversion pastorale qui n'oppose cependant pas la pastorale et l'enseignement attesté par l'Église : « La pastorale, c'est une doctrine de salut en acte (…). La doctrine sans la pastorale n'est que « cymbale retentissante » (1 Co 13,1). La pastorale sans la doctrine n'est que « vue humaine » (Mt 16,21) » (p. 86). Dans cette démarche, vérité et miséricorde se donnent la main : « Une vérité sans miséricorde est vraiment destructrice dans sa dureté, et la miséricorde sans la vérité n'est pas vraiment miséricorde » (p. 120).
Le Card. n'évite pas la question des divorcés remariés ou des couples homosexuels, mais il ne tombe pas dans le piège en se focalisant sur cette problématique : il ne se braque pas sur le particulier en perdant de vue l'ensemble de la doctrine et de la situation réelle des personnes. Il réaffirme ce que l'Église ne peut pas dire (non possumus), même si c'est difficile à entendre dans des sociétés qui confondent liberté de ne pas être d'accord et discrimination. Mais, tout comme le synode ordinaire d'octobre 2015 (cf. Rapport final 86), le Card. aborde la question de l'accès à la communion pour les divorcés remariés du point de vue du for interne, dans le cadre d'un sérieux accompagnement spirituel et pastoral qui peut ouvrir des portes au profit du salut des âmes. Il rappelle notamment la dernière phrase du CIC : « salus animarum suprema lex » (can. 1752). On peut toutefois se demander si les critères personnels et communicables au for interne ne devraient pas avoir une objectivité telle qu'on puisse en rendre compte, au for externe, à un tiers ecclésial, puisque la pratique sacramentelle est un acte public. Il faut aussi étudier comment évaluer les diverses situations et accompagner les personnes au for interne sans jamais « faire abstraction des exigences de vérité et de charité de l'Évangile proposées par l'Église » (Rapport final du synode ordinaire de 2015, 86).
Paru avant le synode ordinaire d'octobre dernier, le dialogue du p. Spadaro avec le Card. Schönborn n'a rien perdu de son actualité. Pour le dominicain, cette démarche de conversion nous place, sans discrimination et sans relativisation, dans la dynamique des Exercices spirituels de St Ignace. En puisant dans les saintes Écritures (tout particulièrement Jn 4 et 8 et Ac 11 et 15) et dans la grande tradition théologique (en référence, notamment, à l'analogie ecclésiologique), les réflexions lumineuses de l'A. peuvent vraiment nous accompagner dans cette démarche. Pour mieux découvrir, avec les yeux de la foi, la vocation concrète des familles, vécue dans l'histoire réelle, il nous invite, en particulier, à lire en écho le début et la fin de la Bible qui commence par la création de l'homme et de la femme et s'achève par les noces de l'Agneau : « Le Christ récapitule tout en lui et son chemin est un chemin de miséricorde » (p. 132). - P.-M. Jerumanis

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