C'est un grand livre que ce petit ouvrage que l'A. - bien connue de
nos lecteurs (cf. N.R..T. 112 [1990] 30-43; 113 [1991] 665-689; 117
[1995] 199-216; 119 [1997]261; 126 [2004] 147) - bibliste renommée
et femme d'une foi chrétienne et ecclésiale profonde. Elle nous
l'offre dans une conjoncture particulièrement pertinente au sein
des discussions et des revendications féministes, alors que la
violence sévit dans un monde qui aspire à la paix et se découvre
fort impuissant à la faire advenir par ses propres efforts. A.-M.
Pelletier nous invite tous, gens d'Église, comme tout humain, à
entendre ce que dit la Parole révélée de la dignité de la femme,
car il en va de l'essence et du destin de chacun d'entre nous.
Comme elle l'écrit au terme de son essai: «les femmes ne sont rien
sans les hommes, et les hommes ne sont rien sans les femmes. C'est
pourquoi ils peuvent se faire signe mutuellement de l'invisible qui
les porte» (p. 244). L'écoute de la révélation nous permet de
redécouvrir le message de ce que vivent en eux l'homme et la femme
placés en vis à vis collaborateur dans la compréhension et l'amour,
pour être et devenir toujours davantage ensemble «image de Dieu»,
en reconnaissant cette réalité qui nous habite. Elle nous rappelle
le «statut de la Bible» qui, à travers l'expérience d'Israël nous
présente une anthropologie capable de nous enseigner aujourd'hui
encore, car c'est «l'histoire de la chair avec Dieu», selon
l'expression de Ph. Lefèbvre, ou «l'histoire de Dieu dans la chair
humaine». Elle tente alors de dégager l'essentiel de la féminité en
sa singularité. Elle entreprend alors de relire en femme les
passages de l'Écriture qui font généralement difficulté et qui ont
été interprétés trop souvent dans l'Église de manière partiale.
Elle parcourt ainsi les relations fondatrices de l'homme et de la
femme en Gn 1-3, et met en évidence deux affirmations déterminantes
pour une anthropologie chrétienne: bonté intrinsèque de la relation
homme-femme et existence concrète de cette réalité comme blessée.
Ensuite, dans une admirable évocation du Cantique des cantiques,
elle montre que la bonne nouvelle de l'amour est toujours vivace
dans l'humanité et qu'elle trouve son accomplissement dans
l'incarnation du Fils de Dieu, en soulignent la nuptialité
fondamentale de l'être humain. Revenant alors au texte controversé
de Paul en Ga 3,28, elle en propose une interprétation déjouant les
pièges du texte, ce qui requiert du lecteur une attention
soutenue.
Continuant sur cette lancée, une deuxième partie reprend d'autres
passages pauliniens, dont 1 Co 11,9: «la femme créée pour l'homme»,
qu'elle extrait de sa gangue herméneutique traditionnelle pour
arriver à «la logique du Christ», à l'école du mystère pascal,
révélant la profondeur de la destinée humaine. Une actualisation
émouvante nous est donnée à la lumière des écrits de V. Grossman
parlant de la force d'âme des femmes russes.
Une troisième partie achève de construire cette anthropologie
chrétienne en proposant «le signe de la femme»: partant d'un autre
texte paulinien piégé, Ep 5,21-23, elle approfondit l'essence de la
soumission commune au Christ de l'homme et de la femme, puis
s'attarde à reconstruire une mariologie équilibrée en montrant
comment Marie est à la fois fille de Sion et mère de l'Église, lui
rendant à la fois sa stature humaine et sa grandeur théologique.
Elle resitue alors la question du sacerdoce ministériel féminin
dans ses justes proportions avant de reprendre les documents que
Jean-Paul II consacre aux femmes: «pédagogues d'humanité» et
«pédagogues pour l'Église». Son oeuvre magistrale, qui reprend en
partie des articles déjà publiés, s'achève par une conclusion d'une
grande justesse.
Bref un livre équilibré et sans polémique où se découvre simplement
ce qui fait le fondement de notre humanité et que la Parole révélée
met en relief: la réalité sexuée de l'homme et les conditions
justes de son fonctionnement. Face aux slogans actuels, cette saine
réflexion vient à son heure. Féministes ou non, nous ne pouvons
l'ignorer. - J. Radermakers