Leçons morales tirées du livre de Job. Livres iv à vi, textes trad. et prés. par P. C. Vuillaume o.s.b.

Grégoire le Grand (St)
Histoire de la pensée - Recenseur : Françoise Mies ok

Au côté de ses Lettres, de ses Homélies sur Ézéchiel et les évangiles et des Dialogues dédiés aux vies de saints, en particulier de st Benoît (livre 2), les Moralia in Job sont l’œuvre majeure (plus de mille pages) du moine et pape Grégoire le Grand (vers 540-604) : elle a traversé le Moyen Âge comme œuvre de référence. Elle a été éditée et traduite en français, en partie, dans la collection des Sources chrétiennes (16 livres sur 35), entre 1952 et 2010, notamment par A. de Voguë. Par rapport à ce projet scientifique et bilingue, le projet de C. Vuillaume, moine de l’abbaye de La-Pierre-qui-Vire, diffère : il offre au peuple de Dieu cette œuvre en français contemporain, intégralement, sans note mais avec introduction. Un bref volume de présentation générale (2022), avec exemples de textes à l’appui, a ouvert la série de volumes prévus ; un premier est paru en 2021 avec la lettre-dédicace, la préface, les livres i à iii et une introduction générale à l’auteur et à l’œuvre complète ; voici le second volume. La traduction se base(ra) sur le texte latin du Corpus Christianorum, series latina 143 (Brepols).

L’ouvrage présent s’ouvre sur une introduction du traducteur aux livres iv à vi. Ces livres n’étant pas encore traduits dans les SC, on ne peut comparer les deux traductions. Ces trois livres traduisent Jb 3, la lamentation de Job après le prologue, et le premier discours des amis (Éliphaz ; Jb 4–5). Dans la lettre-dédicace par laquelle Grégoire ouvre son œuvre (vol. 1, no 2-4, p. 37-43), il rappelle ce qu’il entend par les trois sens de l’Écriture : le sens historique ou littéral, la fondation, le sens allégorique ou typique, l’édifice, le sens moral, les finitions ; et à ceux de nos contemporains qui dénoncent le caractère systématique de la théorie des sens de l’Écriture, il annonce que son commentaire suit plus ou moins rigoureusement l’ordre de ces trois sens, développe tantôt l’un, tantôt l’autre, selon ce que requièrent les passages de Job et les demandes de ses auditeurs. Il s’adapte. Ainsi, le sens littéral de la lamentation de Jb 3 serait contraire à l’intention de l’Écriture ou même au simple bon sens : ses auto-malédictions voulant annihiler sa naissance sont soit condamnables, soit non-avenues car impossibles. Le combat ténèbre/lumière des premiers versets de Jb 3 doit se comprendre dans une perspective finale et typique. Grégoire fait remarquer que Job n’a pas maudit le jour de sa création mais de sa naissance. « Car l’homme a été créé au temps de la justice, mais quand il est né, c’était déjà le temps de la faute. En effet, Adam a été créé, mais Caïn est le premier né. Dès lors, que signifie maudire le jour de sa naissance, sinon dire clairement : “que périsse le temps soumis au changement et qu’éclate la lumière de l’éternité” » (Livre iv, no 4, p. 37). Quant au commentaire de Jb 4 et 5, il met en lumière que les amis sont les hérétiques et Job le juste. « Ainsi, le nom du bienheureux Job signifie en latin “Celui qui souffre” afin de figurer en son nom, comme en ses souffrances, la passion de notre Rédempteur, dont le prophète a dit : “Ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé” (Is 53,4) » (Livre vi, no 1, p. 203).

Cet ouvrage sera heureusement complété par l’introduction du volume de présentation. L’ensemble des volumes (7 annoncés d’ici 2025), dans leur typographie très lisible, avec chacun leur introduction claire du traducteur, permettront aux lecteurs de mieux saisir la pratique des sens de l’Écriture, de lire le premier et le plus grand commentaire chrétien du livre de Job (latin de st Jérôme) et d’entrer dans l’œuvre magistrale d’un grand théologien et moraliste (docteur de l’Église) réfléchissant sur et à partir de l’Écriture et, discrètement, à partir de son expérience d’être humain, de chrétien, de moine et de pape. La couverture des volumes permettra de découvrir les aquarelles de William Blake sur Job. « S’il plaît à Dieu » (sic), que tous les autres volumes suivent ! — F. Mies

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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