«L'Europe est une conception spirituelle. Mais si les hommes cessent de maintenir cette conception dans leurs esprits, cessant de sentir sa valeur dans leurs coeurs, elle mourra». Cette déclaration de Churchill en 1947, que Jacques Delors a rappelée dans la postface de l'opuscule remarquable élaboré par un groupe de théologiens et de philosophes européens à la demande de la COMECE, constitue bien la trame de ce texte, un texte qui se veut être un appel à l'engagement des catholiques sur le devenir de l'Union européenne.
Le texte de la COMECE, dans sa version française, est nourri et enrichi par plusieurs autres écrits de référence, en particulier la Déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 et le Discours de Jean-Paul II devant le Parlement européen à Strasbourg (1988), et quelques autres moins souvent cités mais non moins porteurs d'espérance à l'époque et aujourd'hui, face à la nécessité urgente de revivifier le projet de l'Union européenne selon l'esprit qui a présidé à son origine en 1950, et qui a permis l'expérience de l'année 1989 et du 1er mai 2004 qui a heureusement pu en être la suite. L'opuscule s'adresse bien entendu d'abord aux catholiques. Toutefois, en se fondant sur l'histoire des pays membres de l'UE et sur leur mémoire commune, il invite en profondeur à une ouverture et à une compréhension oecuménique. Enfin, le bien commun de tous les citoyens étant l'objectif poursuivi en vérité par le projet européen, le texte s'adresse à tout citoyen soucieux de poursuivre l'oeuvre de paix, de liberté et de solidarité qu'a été le projet européen à sa naissance et dans les étapes cruciales de son développement passé et, souhaitons-le, futur. En effet, si la société civile a joué un rôle décisif dans la naissance du projet européen, elle a aussi joué un rôle majeur dans l'effondrement de l'empire soviétique. En 1940-1950, tout comme à la fin des années 80 et au début du 21e siècle, les citoyens au sens noble du terme ont su susciter les conditions de paix, de réconciliation et de pardon mutuel qui ont nourri et guidé les initiatives politiques et étatiques ultérieures.
Il est heureux que les auteurs de la présente réflexion aient choisi de la focaliser sur la Déclaration de Robert Schuman, du 9 mai 1950. Pour des raisons d'éducation du citoyen européen, il conviendrait que cette déclaration soit affichée dans toutes les classes de toutes les écoles européennes. Elle est un acte spirituel: il s'agit d'un appel au pardon mutuel avec pour objectif la paix et la réconciliation entre les peuples - les peuples européens n'ont plus connu la guerre depuis 60 ans, un privilège par trop oublié par nos citoyens contemporains; d'un appel aussi à respecter la liberté des peuples et des citoyens d'accepter ou non de former une communauté; enfin, Sch. prévoyait la solidarité comme méthode d'intégration. Cette intuition prophétique de Sch. s'est concrétisée une nouvelle fois dans les événements de 1989 et de 2004, comme le Pape Jean-Paul II l'a clairement énoncé ou souhaité dans l'Encyclique Centesimus Annus et dans son Discours au Parlement de Strasbourg. Il y a donc une continuité dans les événements de l'histoire: un choix spirituel en faveur du pardon et une volonté de surmonter la violence par le dialogue et la solidarité, sans oublier l'engagement de la société civile à vivre dans la démocratie et la paix. Cette continuité doit se poursuivre aujourd'hui, en dépit du désenchantement croissant de nos citoyens par rapport à l'évolution de l'Europe.
Pour bâtir notre avenir commun à 25, et bientôt à 27, nous sommes fermement incités à forger une mémoire commune, capable d'intégrer nos mémoires encore fragmentées. Il est de notre devoir de connaître et de comprendre la culture et l'histoire de nos voisins européens, y compris l'histoire du christianisme - dans laquelle tous les pays européens sont enracinés -, celle de son développement et celle de ses déchirements, et de s'ouvrir à la portée des événements et des blessures infligées par l'histoire aux uns et aux autres, condition sine qua non pour parvenir à une véritable conscience commune et à une véritable citoyenneté européenne.
La richesse de l'opuscule est grande. Il se doit d'être lu, relu pour mettre en oeuvre sa troisième partie, sans doute la moins claire et la moins fluide, dans laquelle la question de la contribution spécifique des catholiques à la construction européenne est posée. Était-il nécessaire de vouloir souligner explicitement cette possibilité de contribution spécifique des citoyens catholiques? La spiritualité de l'acte fondateur de l'Europe et de sa réunification n'est-elle pas déjà une clé de lecture suffisante de par son enracinement dans l'humus du christianisme pour guider nos citoyens catholiques à la nécessaire ouverture oecuménique européenne? - A. Schramme

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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