Pour la première fois, nous avons accès aux évangiles traduits en français à partir de la Peshittâ - version syriaque de la Bible (le syriaque est l'araméen des chrétiens).
Cet ouvrage ne s'inscrit pas dans la longue suite des traductions des Évangiles faites à partir des versions grecques ou latines. Il met à l'honneur la langue de Yéshou', oubliée par la chrétienté d'Occident. Rappelons que l'hébreu, remplacé par l'araméen du temps de Jésus, n'était plus une langue vivante.
La version grecque et la version araméenne sont très proches, mais le texte sémitique contient des informations que le grec ne rend pas. P. ex., Mc 9,7 (la Transfiguration) : le texte syriaque dit « Et il y eut un nuage, et il fut une tente (matlâ) au-dessus d'eux ». Le texte grec dit : « Une nuée les couvrit ». La proposition tout humaine de Pierre de faire trois tentes s'efface devant l'immensité de la tente du ciel. La fête des tentes (Soukkot), dans le judaïsme, rappelle que la seule vraie protection, c'est celle de Dieu. On peut aussi donner en exemple Lc 5,19 (le paralytique) : « ils montèrent sur le toit et le firent descendre(chavouhi) des tuiles avec son lit, au beau milieu, devant Yeshou'. » La racine chavsignifie « faire descendre dans un puits pour y puiser l'eau ». Ce n'est pas ici le verbe descendre habituel, ne'het. L'image est très belle : l'homme malade descend dans le puits pour y être guéri par l'eau vive du Messie.
Dans l'araméen, les mots sont empruntés directement à la nature. Jésus enseigne avec des symboles, des comparaisons… Cette traduction laisse percevoir des jeux de mots intraduisibles en grec. Relevons celui de Mt 18,26 (le débiteur impitoyable) : « Le serviteur tomba, se prosterna vers lui et lui dit : « Mon Seigneur : sois long de souffle pour moi, car je vais tout te rembourser ». Cette expression biblique signifie « lent à la colère », « patient ». En effet, l'homme paisible a une respiration profonde.
Cette traduction nous rappelle que la chrétienté d'Occident a tout intérêt à redécouvrir que l'araméen est une langue vivante de la chrétienté d'Orient. Que les auteurs, un père et un fils juifs, hébraïsants et aramaïsants, en soient vivement remerciés. - S. Dandé f.m.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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