L'A propose une interprétation biblique des Pensées. Ignorant
l'hébreu et peu soucieux d'exégèse historico-critique, Pascal
présente son apologétique à la manière traditionnelle et
tridentine, dans la lignée des Pères (Augustin, Bernard…). L'A.T.,
avec ses prophéties (Serviteur souffrant…) et ses miracles (passage
de la Mer Rouge…), est une figure, ou une peinture, du N.T., qui en
donne la clé. Faisant fi du sens littéral, considéré comme
extérieur (les traductions pascaliennes relèvent parfois de la
transposition), P. s'attache au sens spirituel, figuré, moral,
eschatologique… un sens mystique qui décèle, au-delà de la preuve,
des correspondances entre les deux Testaments: la Loi appelle son
exaucement dans l'évangile. Guidé par la doctrine paulinienne,
inspiré par la spiritualité johannique, l'interprète du message
biblique doit sans cesse, dans une lecture priante, en dégager la
signification: il n'est de présence à la vérité que dans la
charité. Les yeux intérieurs, ordonnés à la beauté et à la sagesse,
reconnaissent dans l'histoire, tant profane que sacrée, une
orientation cachée vers le Messie. Le coeur, purifié par la grâce,
accueille le divin. C'est lui qui discerne dans l'Écriture la
vérité du message christique, et en devient témoin. Le Messie est
le critère de partage entre les «juifs terrestres» et les saints
juifs (David…) qui étaient de vrais témoins parce qu'ils vivaient
dans l'attente christique… L'exégèse pascalienne a ses lacunes: P.
ignore le côté humain de la rédaction des textes bibliques; il en
adopte ingénument les indications chronologiques, accepte la
paternité mosaïque du Pentateuque… Il se trouve handicapé par son
esprit de géométrie qui recherche une démonstration logique, et par
sa théologie janséniste qui accentue les conséquences du péché
originel. Que dire du style? Pascal, qui se corrigeait beaucoup (en
témoignent les nombreuses variantes des Pensées à la recherche de
la justesse et de l'économie des mots), tout en adoptant les
procédés de la poésie hébraïque (le parallélisme sémitique, la
juxtaposition accumulatrice…) cherche, par sa clarté, sa brièveté,
son intensité, à imiter la simplicité rhétorique du Christ. La
présente étude, d'une grande érudition et d'un intérêt soutenu, est
émaillé d'innombrables citations, d'importance inégale. Le lecteur
curieux d'en connaître l'origine recherchera courageusement les
noms des auteurs, systématiquement relégués en fin de chapitres. -
P. Detienne, S.J.