Les sacrements de l'Église, signes de Dieu amour

L.-M. Antoniotti
Théologie - Recenseur : Grégoire Drouot
Face à la désaffection marquée à l'égard des sacrements, ce livre synthétique vise à consolider notre espérance. Pour l'A., «les sacrements sont une rencontre avec le Dieu vivant» (p. 9): ils établissent une relation vivifiante entre Dieu et ses enfants. Comment cette vie est-elle offerte?
Le premier chapitre est consacré à l'analyse du mot «sacrement». Le mysterion désigne chez les Pères grecs aussi bien les figures qui, dans l'AT, annonçaient le Christ que le Christ lui-même et les événements de sa vie. En Occident, sacramentum évoque d'abord le serment militaire mais, dans la traduction du grec mysterion, il se charge aussi de sa signification orientale. Ainsi le sacrement en vient-il à désigner le mystère du dessein de Dieu, annoncé par les figures de l'AT, réalisé dans le Christ, actualisé dans les rites principaux du baptême et de l'Eucharistie. Un peu avant le Concile de Trente, l'évolution sémantique est fixée; le sacrement est un rite sacré qui symbolise la réalité sainte qu'il procure. «Ce rite comporte un élément sacré et révélé à la seule foi […] Ce rite a une relation essentielle à la sanctification du croyant […] Il fait appel à la foi du sujet qui le reçoit et il suscite son engagement personnel dans la vie chrétienne, au sein de l'Église» (p. 24).
Le second chapitre livre un aperçu historique de la doctrine des sacrements. De larges citations des catéchèses des Pères sur le symbolisme liturgique sont présentées. Pour l'A., saint Augustin est le véritable fondateur de la théologie sacramentaire. Il définit le signe sacramentel: élément visible exprimant une réalité invisible. Dans cette célébration, des signes sont utilisés: l'eau, le pain, le vin, l'huile… Autant d'éléments naturels choisis pour leur valeur expressive et évocatrice des réalités spirituelles. À la suite de saint Augustin, cette «définition», encore plastique, connaît nombre de variations. Isidore de Séville, par exemple, estompe la valeur du signe et met l'accent sur les richesses de vie divines «cachées» sous d'humbles réalités matérielles. Bérenger insiste au contraire sur le caractère sacré du signe. Ces recherches permettront, au Moyen Âge, de transférer la qualification «sacrée» du signe au signifié. Le sacrement n'est plus un signe sacré mais le signe d'une réalité sacrée, le signe visible de la grâce invisible. Cette précision permet de fixer la définition scolastique du sacrement. Saint Thomas affirmera que le sacrement chrétien 482 BIBLIOGRAPHIE symbolise la sanctification de grâce comme actuellement exercée, et suscite notre engagement personnel dans l'oeuvre de notre sanctification. Cette conception sera contestée radicalement par les réformateurs qui nient la vertu salutaire des sacrements. Ils ne peuvent pas causer la sanctification que seule la foi nous obtient. Calvin assure que les sacrements, certes, «sont pleins d'efficace quand l'Esprit Saint besogne par dedans» mais il est erroné de leur attribuer quelque vertu secrète… «Opinion pernicieuse qui promet la justice sans la foi, qui fait du sacrement comme la cause de la justice» (L'institution chrétienne, IV, 14, 7.14). Face à la question délicate de l'efficacité du sacrement et de la foi, l'A. rappelle la doctrine équilibrée du Concile de Trente, mais elle ne développe pas beaucoup le symbolisme sacramentaire, ni la relation entre sacrements et foi mise en exergue par la Réforme.
Dans les autres chapitres, l'A. déploie de manière systématique la doctrine des sacrements à partir de la synthèse thomiste, non sans la compléter ou l'évaluer discrètement dans le cadre de recherches plus récentes (Dom Casel, L.M. Chauvet).
Si «le sacrement chrétien est le signe d'une réalité sainte qui sanctifie les hommes» (saint Thomas d'Aquin, IIIa, q. 60, a. 2), il est, pour l'A., un rite symbolique qui signifie une réalité sainte et cause la sanctification de l'homme. L'A. souligne deux effets principaux: la grâce sanctifiante conférée selon la tonalité propre de chaque sacrement, et le caractère imprimé par le baptême, la confirmation et l'ordre. Ces caractères sont comme trois participations au sacerdoce du Christ qui disposent ainsi l'âme à s'offrir avec le Christ. L'Église, dans sa pratique, a découvert «et mis en ordre» l'organisme sacramentaire au centre duquel jaillit, comme une source, l'Eucharistie. «Toute l'économie sacramentelle est faite pour le pèlerinage du peuple de Dieu sur la terre des hommes» (p. 109), pour fortifier notre foi et nous préparer au face à face de la vision béatifique. - Gr. Drouot

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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