Mondialisation, marginalisation, nouvelle évangélisation. Un défi pour l'Église en Afrique, tr. D. Demongeot

Emilio Grasso
Missions et jeunes Églises - Recenseur : G. Navez s.j.
Notre fin n'est pas un paradis individuel en ce monde, selon une religion 'séculière', mais le Royaume de Dieu d'où ne peuvent être exclus ceux qui sont le visage, la chair et le sang de Dieu dans l'histoire. Notre point de vue ne sera pas abstraitement idéologique, dogmatique, mais une approche historico-phénoménologique du monde et de l'Évangile - distincts mais ni séparés ni confondus - en vue d'un engagement concret et créatif, puisque l'Église ne donne pas de solutions toutes faites, mais un esprit à incarner, en connaissance de cause, après avoir interrogé et jugé notre liberté dans son autonomie et sa fidélité.
Nos moyens sont limités et à ne pas gaspiller: cela suppose une compréhension des mécanismes économiques qui ont permis un progrès, mais aussi leur réalisation, sans perdre de vue le but poursuivi, qui dépasse la pure science et surtout ses applications égoïstes et ses lacunes. L'histoire montre les lois de notre cheminement et de notre émergence, les manquements: d'une part, inertie et manque de créativité réaliste; d'autre part, marginalisation des plus faibles, surtout de l'Afrique subsaharienne, qu'on ne pourra sauver qu'en libérant sa mentalité.
La mondialisation et le néo-libéralisme réduisent la pauvreté au point de vue absolu, mais l'accroissent relativement en refusant de redistribuer les profits; elles humilient l'homme en l'empêchant de participer au processus économique. La liberté décisionnelle de l'homme doit donc primer sur le marché, qui doit être politiquement gouverné et non laissé aux prises de ses présupposés mécanismes auto-régulateurs (marché selon l'offre et la demande). Il faut aussi changer la culture africaine, en ce qu'elle est un système de pensée tourné vers les valeurs rétrogrades qui sapent l'initiative personnelle: soumission totale à des contraintes auxquelles on attache un caractère divin, effacement de l'individu face à la communauté et aux coutumes ancestrales, aux anciens et aux chefs dictatoriaux; convivialité, enflure de l'irrationnel (quand la pauvreté est conçue comme un malheur, une fatalité, à combler par la sorcellerie et non par un engagement éclairé: la magie au lieu du réalisme); incapacité de comprendre l'homo economicus, son autonomie relative mais nécessaire, imitation servile du blanc, tout en rejetant la science comme affaire des blancs, inertie historique, attitude d'assisté ne comptant que sur une pure bienveillance gratuite et oubliant les intérêts communs, moteurs vrais de générosité.
Conclusion: Le problème de la marginalisation, fléau de l'Afrique, est un problème du Christ lui-même, l'Homme-Dieu, le Logos, et il ne peut laisser personne indifférent malgré les difficultés. D'où l'exigence urgente d'une éducation à la fois respectueuse et libérante. - L'engagement politique est aussi de première importance: l'Église doit être un jugement continuel sur un monde qui n'est pas le Royaume de Dieu et qui devrait être la vraie norme. Nous sommes tous nécessaires: au lieu de nous affronter, d'exploiter les autres, il faut redécouvrir notre dignité, notre responsabilité solidaire. Le Royaume de Dieu exige nos ambitions personnelles à la fois autonomes et relatives, mais c'est pour les dépasser radicalement, sans oublier le fondement: la rencontre entre Occident et Afrique ne peut se faire que dans un service éclairé et actif réciproque. - †G. Navez sj

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