Par leur nature même, les «Églises indépendantes» se dérobent à
tout recensement précis. Mais le phénomène ne cesse de prendre de
l'ampleur et, rien que pour le Nigeria, on peut estimer à plusieurs
milliers le nombre de communautés: beaucoup n'ont qu'une réalité
locale, quelques-unes constituent des réseaux qui s'étendent sur
plusieurs pays. Bien qu'elles ne représentent qu'une des formes
multiples de «nouveaux mouvements religieux», ces Églises
indépendantes se ramifient à leur tour en plusieurs variétés, que
l'ouvrage rappelle rapidement, sans essayer de proposer une
nouvelle typologie. Son objectif est ailleurs: alors qu'un
cinquième au moins des chrétiens, en plusieurs pays, feraient
partie de ces Églises, le théologien ou le pasteur catholique doit
enregistrer plusieurs faits dont on ne tire pas toujours toutes les
conséquences: beaucoup de ces communautés, en particulier celles de
type pentecôtiste, sont fort critiques et même agressives à l'égard
du monde catholique; la participation à ces communautés n'est pas
toujours exclusive: des chrétiens fréquentent ces groupes sans
cesser d'être membres actifs de leur première Église; parmi ces
participants occasionnels ou plus stables - et même parmi les
cadres actifs voire les fondateurs de ces Églises indépendantes -
les catholiques ou les anciens catholiques ne sont pas rares; ce
sont parfois eux qui contribuent à nourrir critiques et rancoeurs à
l'égard de ce qu'ils ont quitté. L'A. étudie ce phénomène depuis
plus de 25 ans et a déjà plusieurs publications à son actif; à ses
observations personnelles il joint cette fois les expériences,
opinions et réactions recueillies par questionnaires et interviews
auprès de 885 catholiques ou anciens catholiques de différentes
régions du pays. Sur la base de ces données il passe en revue tant
les difficultés doctrinales (autorité de la Bible, sacrements,
sacerdoce, mariologie…) que les enjeux éthiques (polygamie, par
ex.) et les questions pastorales et liturgiques (taille des
communautés, ministères, style des célébrations, recherche de
sécurité ou de guérison…). Dans tous ces domaines, le rôle de
l'Esprit-Saint et l'expérience de la nouvelle naissance sont au
coeur du débat.
L'analyse aurait pu être poussée plus loin du point de vue
sociologique, mais la description est claire, bien rédigée,
illustrée de nombreux exemples et de citations des personnes
interviewées. Le ton demeure remarquablement irénique. Une
meilleure compréhension des expériences et des motivations de ceux
et celles qui ont rompu plus ou moins radicalement avec l'Église
catholique permet à l'A. de formuler des recommandations
pastorales, tout en précisant ce qui lui apparaît inacceptable dans
la foi et les pratiques des Églises indépendantes. Chemin faisant,
il consacre d'assez longs développements théologiques et
apologétiques à des points de litige qui, ainsi qu'il le signale
lui-même, sont souvent proches des différends qui ont divisé le
monde chrétien occidental au l6e siècle. Ces développements
paraîtront moins intéressants au lecteur européen mais voudraient
aider les chrétiens africains à retrouver la foi authentique
annoncée dans le sous-titre de l'ouvrage. - J. Scheuer, S.J.