Preaching and Popular Christianity. Reading the Sermons of Jean Chrysostom

James Daniel Cook
Théologie - Recenseur : Pierre Molinié s.j.

Dans les années 2000, plusieurs études ont cherché à identifier le public de Chrysostome, scrutant ses homélies pour y trouver des indices sur la composition sociologique de son auditoire et sur ses résistances face au prédicateur. L’image qui en ressort est celle d’une communauté en fort décalage avec son pasteur : des chrétiens peu zélés ou des croyants attachés à d’autres types de religiosité (plus traditionnels) auxquels le prédicateur s’efforcerait d’imposer sa propre idéologie. Le présent ouvrage balaie toutes ces études en montrant – de manière convaincante – qu’elles reposent sur une mauvaise compréhension de la rhétorique du blâme.

Ces études s’appuyaient sur la manière dont Chrysostome reproche à ses auditeurs leur conduite et leur manque d’ardeur. L’argumentation de l’A. repose sur trois points : d’abord, l’immense popularité de Chrysostome ne saurait s’expliquer si ses auditeurs ne trouvaient pas dans sa prédication ce qu’ils attendaient. Ensuite – et c’est là le cœur de l’ouvrage –, le reproche est une partie intégrante de la pédagogie antique. Plusieurs chapitres comparent le sermon avec d’autres pratiques contemporaines : le monde scolaire où les élèves sont régulièrement blâmés pour leur paresse (chap. 3) et l’univers médical, où l’on attend du médecin qu’il exhorte ses patients à changer de vie, souvent en termes virulents (chap. 4). La rhétorique du blâme s’inscrit aussi dans le droit fil de la parole des prophètes de l’AT (chap. 5). Quant au cadre liturgique, il justifie une prédication véhémente, susceptible d’inspirer la crainte et le respect devant les mystères célébrés (chap. 6). Un troisième élément vient casser l’hypothétique reconstitution de la sociologie de l’auditoire : en prêchant devant un public concret, Chrysostome s’adresse en fait à un auditoire idéal, qui coïncide avec l’Église tout entière, constituée de pécheurs appelés à la repentance.

Ce dernier point est typique de la démarche de l’A. qui pousse jusqu’au bout la démarche critique de W. Mayer (voir p. 180) et suggère un nouveau tournant dans les études sur la prédication antique : la prendre comme un témoignage sur la piété populaire suscitée par la prédication, et non comme un moyen de reconstituer les croyances d’une communauté au-delà de la prédication. Sur la question des séries homilétiques – qui agite les études chrysostomiennes depuis une vingtaine d’années, l’A. remet également en question la démarche de W. Mayer en proposant une nouvelle piste : Chrysostome ayant prêché plusieurs fois sur de nombreux livres de la Bible, une même homélie peut avoir été prononcée à plusieurs reprises – y compris à Antioche et à Constantinople. Dès lors, la constitution de séries ne trahit pas la cohérence de la démarche homilétique et exégétique (Annexe, p. 201-210). En bref, cet ouvrage ouvre des perspectives stimulantes sur la nature de l’acte homilétique ; nul doute qu’il ne relance en outre un certain nombre de débats dans le domaine des études chrysostomiennes. — P. Molinié

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