Les Chin sont une ethnie de l'ouest de la Birmanie; on les trouve
également dans le nord-est de l'Inde (État de Mizoram). L'objectif
de cette thèse rédigée par un membre de ce groupe est d'étudier
l'évolution sociale et religieuse de cette population, de l'époque
précoloniale à celle d'après l'indépendance de la Birmanie (l'A.
préfère s'en tenir à ce nom, de préférence à la nouvelle
dénomination «Myanmar»). La 1e partie du livre décrit et analyse la
civilisation Chin traditionnelle, dans laquelle les dimensions
économique (la terre), politique (les chefs) et religieuse (une
Divinité suprême et des esprits gardiens ou protecteurs) ne sont
guère séparables. La section centrale examine le double impact de
la colonisation britannique, avec l'annexion progressive du
territoire Chin dans le dernier quart du 19e s., et de la mission
chrétienne. L'activité évangélisatrice fut menée principalement, à
partir de 1899, par des baptistes américains, bientôt relayés par
des membres de l'ethnie (l'un des deux premiers
instituteurs-prédicateurs fut le père de l'A.). L'exposé fait une
large part à la manière dont les Chin, qui sont aujourd'hui
chrétiens à 80% environ, ont réagi à ce double impact colonial et
missionnaire, cherchant à s'adapter à la situation nouvelle. La
christianisation, favorisée par une certaine continuité entre la
religion traditionnelle et le message chrétien, contribua à la
formation d'une conscience nationale Chin par-dessus les groupes
locaux. La 3e partie de l'ouvrage est plus brève. Après l'invasion
japonaise, puis la proclamation de l'indépendance, les Chin
majoritairement chrétiens durent, comme d'autres ethnies des
régions périphériques, trouver ou plutôt défendre leur place dans
la nouvelle Union birmane, face à la population majoritaire de
confession bouddhiste. Si les tensions qui en résultèrent n'ont pas
encore trouvé leur apaisement, l'ouvrage que voici fournit plus
d'une clé pour comprendre tant l'histoire que les enjeux actuels.
On ne perdra cependant pas de vue que les sources de notre
connaissance de la société traditionnelle sont récentes (seconde
moitié du 19e s.) et que la définition d'une identité «nationale»
Chin repensée dans une perspective chrétienne apparaît comme un
programme autant que comme une situation acquise. - J. Scheuer,
S.J.