Poursuivant leur travail de traduction et de publication d'oeuvres
des Pères d'Orient et d'Occident, les éditions Qiqajon du Monastère
de Bose offrent au public de langue italienne l'intégrale des
Sermons de Guerric d'Igny. Distribués au fil de l'année liturgique,
ces sermons introduisent le lecteur dans l'intelligence proprement
spirituelle et monastique de la Parole proclamée et accueillie en
Église. La parfaite maîtrise de l'art oratoire du grand abbé
cistercien, sa finesse spirituelle et théologique ne sont pas à
démontrer. Relevons seulement la liberté avec laquelle il prend à
partie son auditoire ou bien se met lui-même en cause; la vivacité
des dialogues imaginaires où il n'hésite pas à mettre en scène Dieu
le Père ou le Christ échangeant avec tel ou tel interlocuteur;
l'aisance avec laquelle il passe, sans effort apparent, du récit à
l'admonestation, de la méditation des mystères à la louange, de la
lamentation pour le péché de l'homme au cri d'admiration pour la
tendresse divine. L'ensemble du recueil est précédé d'une
introduction du traducteur, Oscar Testoni. Ce dernier s'est attaché
en premier lieu à présenter le «status quaestionis» de la
chronologie de la vie de Guerric. Bien des obscurités demeurent à
ce propos et il est peu probable qu'elles soient jamais levées.
Ceci dit, notre ignorance au plan historiographique n'ôte rien à la
valeur propre des enseignements de l'abbé d'Igny, l'un des «quatre
évangélistes de Cîteaux», selon la belle expression de dom Anselme
Le Bail. La seconde partie de l'introduction explore deux questions
qui, traversant l'ensemble de l'oeuvre de Guerric, en permettent
une approche synthétique: À qui s'adresse l'A.? Quel emploi faitil
de l'Écriture Sainte? Guerric est avant tout un moine qui s'adresse
à d'autres moines. Selon l'usage cistercien, l'abbé a charge de
prêcher à l'occasion de certaines fêtes. Il se doit, en de telles
circonstances, de rompre le pain de la Parole pour le distribuer à
ses fils. À ses auditeurs (et à ses lecteurs!) Guerric partage donc
sa lectio personnelle, son attention amoureuse et précise à la
lettre des Écritures. Pas de séparation chez lui entre action et
contemplation car la vie concrète est le lieu où rencontrer le
Seigneur que l'on cherche dans l'étude et la prière. Tout comme la
Parole s'est faite chair en Marie - thème cher entre tous aux
premiers cisterciens - le Christ doit prendre corps en chaque moine
ainsi appelé à la maternité spirituelle. Les sermons de Guerric,
tissés qu'ils sont de multiples citations, adaptations et allusions
scripturaires, constituent par eux-mêmes un admirable témoignage
d'une semblable «incorporation» de la Parole de Dieu. Outre
l'introduction générale, l'ouvrage comporte une présentation de
chaque ensemble d'homélies: pour l'Avent, la Nativité, l'Épiphanie,
la Purification, le Carême, etc… Chacune ressaisit en quelques
paragraphes les thèmes abordés et le mouvement d'ensemble des
divers sermons. Deux appendices - deux textes que la tradition
manuscrite attribue à tort à Guerric - et un index des citations
bibliques complètent le volume. Il faut enfin mentionner le grand
nombre de notes - plus de 3600! - qui renvoient principalement à
l'Écriture Sainte mais encore aux Pères de l'Église où à des
travaux contemporains consacrés aux débuts de la réforme
cistercienne. Un bien bel ouvrage! - Fr. Vermorel.