Un certain nombre de philosophes notables du siècle dernier, comme Péguy, Derrida ou Levinas, ont accordé une place de choix au thème de l’hospitalité. Il était temps que ce thème antique, mais développé par la tradition et la pratique chrétiennes, attire l’attention des théologiens. C’est chose faite avec ce collectif qui est le fruit d’un travail de recherche mis en route voici trois ans par l’Institut d’Études Œcuméniques « San Bernardino » de Venise. L’objectif est ambitieux puisque l’hospitalité doit devenir rien moins que « le fond de la théologie du xxie siècle » (p. 5) ! Face à la crise du dialogue qui apparaît encore trop clivant, elle s’offre comme un nouveau paradigme dans ce changement d’époque – qui est beaucoup plus qu’une époque de changement –, qu’est notre monde interconnecté et globalisé.
Les onze études couvrent différents champs : la culture et la sémantique de l’hospitalité ; la théologie biblique et le dialogue chrétiens-juifs ; l’éthique et la « théologie publique » ; la mystique interreligieuse, la spiritualité franciscaine et le pluralisme religieux. La conclusion rappelle les enjeux de cette théologie de l’hospitalité. : « penser la dialectique identité et altérité de manière nouvelle » (p. 189) ; thématiser les relations entre les personnes, mais aussi entre les institutions ; offrir « l’espace expérimental où pouvoir rencontrer Dieu » (p. 196), comme le montre l’épisode emblématique de l’apparition de Mambré (Gn 18,1-15), et ainsi « revisiter nos représentations de Dieu » (p. 199) ; ouvrir à une éthique de l’hospitalité, notamment en accueillant « les pratiques qui viennent d’en bas » (p. 200) ; réconcilier théorie et pratique, parce que « la vérité se trouve seulement en pratiquant l’hospitalité », selon le mot de Louis Massignon dans L’hospitalité sacrée (1987). L’on pourrait ajouter, dans la perspective du don que l’hospitalité, jusque et à cause même de son ambiguïté (l’hôte est autant celui qui reçoit que celui qui donne), permet de penser la dynamique du don de manière concrète et enveloppante. L’hospitalité serait-elle donc un nouveau transcendantal ? Une question : comment cette notion pneumatique s’articule-t-elle avec la distinction noétique des corrélatifs ? — P. Ide