Même si on y arpente parfois les mêmes terrains, ce volume ne fait
pas double emploi avec le précédent. Son architecture est
différente. Les textes ici rassemblés furent d'abord présentés à
Boston lors d'un congrès sur l'avenir de l'étude des religions
(2000). Dix interventions principales sont chaque fois suivies de
la réaction d'un «discutant». Évoquons brièvement quelques-uns des
thèmes principaux: la persistance de phénomènes religieux dans des
sociétés condamnées (ou promises…) par certains à une
sécularisation sans reste; les limites et vertus des approches
(dé)constructivistes; les critiques féministes et post-coloniales
de l'étude classique des religions (on ne peut s'empêcher de noter,
à ce propos, que tous les collaborateurs de ce recueil sont des
Occidentaux…); les effets de la globalisation, soit dans le sens
d'un émiettement des valeurs et d'un relativisme accru, soit en
direction d'une interdépendance et d'une solidarité plus larges;
les motivations des chercheurs, de la simple curiosité érudite
(«innocente»?) à l'engagement militant; la pertinence, voire la
possibilité même d'une approche positiviste des religions; la
spécificité de (l'étude de) la religion ou sa possible réduction à
des phénomènes sociaux et culturels, de sorte que «religion»
deviendrait une notion inutile et même trompeuse; le débat entre
sciences des religions et théologies: leurs méthodes respectives,
leurs rôles dans la société et leur place dans l'université
(notamment dans la perspective «néo-orthodoxe» illustrée ici par J.
Milbank); l'hypothèse d'une «expérience» spirituelle ou mystique
commune aux diverses traditions ou celle d'expériences multiples,
diversement façonnées et interprétées en fonction des contextes
sociaux, culturels et doctrinaux…
Même lorsqu'ils ne représentent pas des positions radicalement
différentes, la présence de deux intervenants dans chacune des dix
sections de l'ouvrage introduit un élément de débat qui entretient
l'intérêt et fait progresser la réflexion. De cet ensemble, il se
dégage le plus souvent un certain équilibre: entre disciplines
traditionnelles et perspectives neuves, entre attention aux
situations particulières et ambition de comparer et de dégager des
conclusions dotées d'une validité plus générale, entre études
empiriques et préoccupations méthodologiques ou critiques, voire
interrogations de type philosophique. - J. Scheuer sj