Cet imposant ouvrage est mieux décrit par son sous-titre que par
son titre : l'appel à l'autorité de Thomas dans la querelle
sur les secours de la grâce divine (dite De auxiliis,
pour De auxiliis divinae gratiae) qui a secoué le
Grand siècle et le suivant. L'A., directeur d'études à
la ve section de l'École Pratiques des Hautes
Études, est un spécialiste reconnu du sujet auquel il a notamment
consacré deux ouvrages, Entre saint Augustin et saint
Thomas (Paris, Classiques Garnier, 2009) et La
Puissance et la Gloire (même éd., 2011). Même s'il est
centré sur la notion d'école théologique et, plus particulièrement
sur l'invocation de l'Aquinate, donc sur les critères du disciple
et d'appartenance à l'École, cette étude n'en fait pas moins état
en détail des opinions en présence. Les exposer de manière
bipolaire en opposant jésuites et dominicains et, derrière ces
familles religieuses, le thomisme d'une part, le molinisme d'autre
part, est insuffisamment nuancé. Il faut d'abord faire appel à un
troisième terme qui a considérablement influencé le débat, à savoir
le jansénisme : celui-ci a tenté d'arguer d'un prétendu
philothomisme, pour outrepasser les directives magistérielles. Il
faut ensuite prendre en compte une évolution au sein de la
Compagnie qui fut constamment soucieuse, non seulement d'obéissance
au Magistère, mais d'unité au sein de l'Église, ce qui a conduit
aux tentatives de conciliation du préposé général Claudio
Acquaviva, défendant un congruisme mitigé, entre
molinisme et thomisme. Ainsi, les 16 chap., qui furent d'abord
16 articles parus dans des revues spécialisées, se distribuent
selon l'ordre chronologique en trois parties, ainsi que selon un
ordre doctrinal qui considère les relations entre les trois pôles,
jésuite, dominicain et janséniste.
La longue introd. de cet ouvrage, dont l'un des moindres mérites
est d'être aussi érudite que limpide, fait valoir que le débat, que
l'on croyait enterré, a ressurgi à la fin
du xixe s., lors de la naissance de
la Revue thomiste et dès son premier numéro,
entre Joachim-Joseph Berthier o.p, polémiquement anti-jésuite,
et Eugène Portalié s.j. Est-on assuré que, inféodées à des
familles religieuses, et plus assurément à des écoles théologiques,
ces tensions qui, apaisées, sont fécondes d'heureuses innovations,
aient totalement disparu au siècle suivant et donc aient reçu la
réponse qu'elles méritent (que l'on songe aux querelles autour du
surnaturel et de la nature pure) ? Plutôt que d'estimer vaines
ces querelles et insolubles les questions posées, la théologie ne
devrait-elle pas se pencher sur elles et les éclairer à la lumière
de concepts inédits qui assumeraient le meilleur des anciennes
notions ? - P. Ide