Ce livret reprend le discours prononcé lors de la xiiie Assemblée
Générale de l'Académie Pontificale pour la Vie (15 mars 2007) et
publié dans les Actes de cette Assemblée. Il est heureux que cette
réflexion puisse, sous cette forme nouvelle, atteindre un plus
large public car son actualité thématique ne se dément pas. Dans
les débats de société, les hésitations de la conscience humaine,
les confrontations avec des choix délicats et complexes en
bioéthique, cette histoire de l'objection de conscience donnera une
lumière «certaine» à ceux et celles qui réfléchissent sur leurs
actions.Refuser d'obéir à une loi civile jugée injuste en
conscience semble avoir toujours existé. La pédagogie de l'A. nous
permet de faire mémoire, tout en l'actualisant, de nombreux
exemples: Socrate, le face-à-face de Créon et d'Antigone, Sénèque,
la liberté spirituelle des croyants dans l'antiquité, les
témoignages de saint Phileas et de saint Cyprien, la doctrine de la
Lettre à Diognète, la cohérence de vie de Thomas More. Les enjeux
sont admirablement mis en lumière. J. Ratzinger n'avait-il pas
écrit: «Choisir de ne pas faire est aussi un acte moral, à l'objet
bien défini: objecter, c'est accomplir une action de refus, en
raison de convictions suffisamment importantes pour qu'elles
puissent être référées à la conscience personnelle»? La conscience
humaine n'a pas une autonomie absolue, mais elle «vit» d'autres
lois que les lois écrites, civiles ou positives.L'objectif de l'A.
dépasse le simple rappel historique pour affirmer un véritable
droit à l'objection de conscience dans un contexte nouveau qui a
sécularisé ce statut de l'objection à partir de concept de
tolérance. Et il montre fort à propos que «la société
idéologiquement tolérante ne peut tolérer l'objection de
conscience, car celle-ci échappe par quelque manière à son empire»
(p. 11). Si cette tolérance idéologique s'impose à tous, c'est
qu'elle est d'essence politique et non pas morale. Il convient de
la mettre en évidence, de la dénoncer et d'éviter qu'elle n'exerce
une violence totalitaire. Tel est le paradoxe. L'A. l'explicite à
travers la genèse de l'objection au service militaire: il en montre
son fondement mais également ses ambigüités dans les états
modernes. Car le statut des objecteurs peut être fondé sur des
valeurs radicalement différentes et parfois peu éthiques. Mais
c'est dans le domaine de la santé que l'objection est le plus mise
à mal, surtout autour de la dépénalisation ou de la légalisation de
l'avortement. Par ailleurs quand la vie humaine personnelle est en
jeu, la consistance morale objective de l'objection grandit! Elle
se pose principalement à deux niveaux: celui des professions de
santé et celui des hommes politiques. L'analyse de la situation en
France est éclairante et atteste la thèse de l'A.: l'avortement est
devenu un «bien» juridique et toute entrave à ce droit en vient à
être sanctionnée. «Une société tolérante ne peut tolérer que
s'exerce en son sein un droit d'objection de conscience, car elle
n'est plus en mesure d'accepter en les honorant les valeurs
supérieures qui s'expriment en son sein.» Dès lors, les valeurs ne
sont plus que «consensuelles», portées par une morale de situation
ou une culture qui ne comprend plus ses racines ou en développe
d'autres, plus aériennes. Ces valeurs paradoxalement
«démocratiques» en arrivent à être «mortifères». - A. Mattheeuws sj