On sera très attentif au titre (et sous-titre) de ce travail. Une
thèse de doctorat saluée comme importante dans la préf. de
Dominique Millet-Gérard (Sorbonne) qui souligne
« l'originalité, le caractère profondément personnel d'un
travail universitaire qui est en même temps, cela se sent
presqu'à chaque page, une méditation, un chemin que l'auteur trace
pour lui-même, avec fermeté, justesse de ton, maturité » et
pour qui « on est manifestement, au-delà, ou ailleurs, en un
lieu intellectuel où les bastions universitaires n'empêchent plus
la poésie et la théologie, bref ce qu'il y a de plus beau et de
plus noble dans la pensée, de se rencontrer » (p. 12).
Effectivement, le poète et le théologien convoqués ici ne se lisent
pas juxtaposés mais en s'illuminant réciproquement. Les familiers
de l'oeuvre de Balthasar connaissent les « affinités
électives » du théologien suisse avec la littérature
française. Péguy n'avait pas été oublié. Le travail présenté ici
détaille la chronologie des études balthasariennes pertinentes et
expose leur réception à partir de 1943 (p. 28-38).
N. Faguer ouvre son étude avec une lecture suivie des quelque
100 p. clôturant la série des sept « styles laïques » qui
donnaient de la figure de Péguy une lecture théologique remarquée.
L'A. la prend en considération en suivant pas à pas cette
monographie : « Divers accents (du mystère du Christ)
sont posés d'un auteur à l'autre ; chez Péguy, le regard se
porte sur la transparence du coeur du Fils au coeur du
Père : Gottes Hertz ausgelegt im Herzen
Christi » (p. 51, n. 45). Certes, l'A. n'est
pas le premier à relire l'unité de l'oeuvre de Péguy selon
H. U. von Balthasar mais nous sommes ici en présence
d'une entreprise majeure. Elle ne se contente pas d'un bref
commentaire de ce que le théologien avait déjà dégagé. Dans
chacune des trois parties de la présente construction, véritables
colonnes soutenant la cathédrale, cet éclairage mutuel est mis en
oeuvre en ce qui concerne l'élaboration théologique propre à
Balthasar lisant Péguy.
Une familiarité minimale avec les deux auteurs en dialogue laisse
entrevoir l'« approfondissement » annoncé et invite à une
méditation attentive. On reconnaîtra aisément
l'« intérêt » de ce double et unique itinéraire
spirituel. Péguy et Balthasar nous interpellent conjointement
encore aujourd'hui. Négliger, à l'heure de notre histoire
séculière, leur témoignage rendu à l'Histoire du Salut serait
oublier la petite soeur Espérance. - J. Burton s.j.