Une morale souple mais non sans boussole. Répondre aux doutes des quatre cardinaux à propos d'Amoris laetitia, préf. Card. C. Schönborn

Jean-Miguel Garrigues o.p. Alain Thomasset s.j.
Morale et droit - Recenseur : Alban Massie s.j.

Une demande de clarté avait été présentée par les Card. Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner sur ce qu'ils ont appelé des « ambiguïtés » de l'exhortation Amoris laetitia. Sans se substituer au magistère, trois théologiens répondent : un cardinal, un jésuite, un dominicain. Rappelons que Christoph Schönborn avait piloté la rédaction du CEC, notamment la partie morale que certains voudraient opposer à Amoris laetitia, et avait pris en charge directement sa partie sacramentaire ; Alain Thomasset, qui a écrit sa thèse sur Paul Ricoeur, Une poétique de la morale (1996), est doyen de la Fac. de théol. du Centre Sèvres et nouveau rédacteur en chef de la Revue d'éthique et de théologie morale ; Jean-Miguel Garrigues, qu'il est inutile de présenter dans notre revue, enseigne, entre autres, à Toulouse. Au coeur du débat, le rapport entre Amoris laetitia et Veritatis splendor, entre la doctrine des actes intrinsèquement mauvais et le discernement des consciences, entre la morale objective et l'appréciation subjective des actes humains…
Après la longue préface de Christoph Schönborn qui évoque les conditions de la rédaction de ce livre et offre une présentation originale de l'exhortation (on le retrouve ensuite chez J.-M. G. qui le cite à propos du for interne), les deux autres prennent la parole, chacun à son tour, en voulant dépasser les critiques caricaturales que le texte de l'exhortation a suscitées. Ainsi pourra-t-on entendre le jésuite insister sur la prise en compte de la singularité et passer tout de suite de la définition de l'objet de l'acte à la question de la prudence pour déterminer sa moralité et « valoriser le rôle de la conscience dans le discernement en situation » (p. 83). On notera qu'il introduit dans sa présentation le fameux principe du double effet et, à partir de Ricoeur, la notion de récit dans l'imputabilité propre à l'agent (p. 89).
Quant au texte de J.-M. G., plus historique et plus court que celui de son prédécesseur, il cite les dubia et y répond clairement : il souligne que la morale ne se définit pas de la même manière que le dogme et que le courant théologique tutioriste et rigoriste n'est pas fidèle à l'enseignement de St Thomas d'Aquin (p. 135-136). Il rappelle que ce courant était ultra-minoritaire au Synode sur la famille. Il récuse une « morale de situation » : « pas de loi de gradualité sans dynamisme de conversion » (p. 141). Il tire enfin de Péguy le titre de l'ouvrage : « C'est dans une morale souple que tout apparaît, que tout se dénonce, que tout se poursuit (…). Ce sont les morales souples (…) qui exigent un coeur perpétuellement tenu à jour » (Notes sur M. Bergson, cité p. 165). Un tel livre, qui fait entendre plusieurs voix certes distinctes, avec le souci d'un réel irénisme malgré tout, apporte cette mise à jour pour comprendre et appliquer Amoris laetitia grâce à l'apport d'un texte comme Veritatis splendor où s'affirme décidément une éthique de la finalité qui n'est autre que le bonheur. - A. Massie s.j.

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